SEGA 32X : 30 ans déjà !
En ce doux mois de novembre 2024, nous avons célébré dans l’indifférence générale les 30 ans du 32X de Sega. Sortie à la fin du mois de novembre 1994 dans l'Hexagone, cette extension permettait de transformer une Mega Drive vieillissante en une console 32 bits rugissante. La suite, on la connaît : ce fut une autre étoile filante dans la galaxie Sega…
Un projet né dans l'urgence
En 1993, la Mega Drive brille de mille feux : Sonic triomphe, et Aladdin émerveille les joueurs du monde entier. Malgré les difficultés rencontrées par l'extension Sega CD, tout semble bien se dérouler pour la firme. Cependant, l’ère des 32 bits commence à se profiler avec l’apparition de la 3DO et, surtout, l’annonce du retour d’ATARI, le pionnier du secteur, avec sa Jaguar vantant une puissance de... 64 bits !
Chez Sega, l’inquiétude s’installe, et on redoute d’être rapidement dépassé. La tension monte d’un cran lors du Winter Consumer Electronics Show de janvier 1994, à Los Angeles, lorsque Joe Miller, directeur de la recherche et du développement chez Sega of America, reçoit un appel pressant de Hayao Nakayama, président de Sega. Nakayama insiste sur l'urgence de réagir face à la sortie de la Jaguar, soulignant la nécessité d’une réponse rapide pour rester compétitif.
Sega Japan commence alors à concevoir une console 32 bits axée sur les jeux en 2D, destinée à séduire les consommateurs japonais, jusque-là peu sensibles aux produits de la marque. Pendant ce temps, Sega of America, fascinée par la 3D, a des ambitions différentes. Un projet initial, nommé « Jupiter », visait une Mega Drive améliorée, mais l’idée évolue rapidement vers un add-on qui servirait de transition entre la Mega Drive et la future Saturn. Le timing est crucial : la véritable console 32 bits de Sega, la Saturn, doit arriver en fin d’année 1994 au Japon, puis en 1995 en Occident. Le 32X doit absolument sortir avant, même si cela signifie précipiter sa conception et demander aux développeurs de travailler dans l’urgence pour tenir les délais.
Un enthousiasme relatif
Présentée lors du CES 1994 à Chicago dans une vidéo ultra « cringe », la bécane, nommée officiellement 32X, soulèvera un enthousiasme tout relatif. La faute à une sortie… inattendue : SEGA, ayant préparé son add-on à la va-vite, n’a pas réellement su faire monter l’enthousiasme chez les joueurs.
Dans les semaines suivantes, la presse ne sera guère plus emballée. La Saturn et la PlayStation captant tous les regards. Au final, le 32X sortira sans faire les gros titres... en tout cas par chez nous.
Lancement fauché mais fun
Ainsi, si la couverture médiatique fut relativement décente aux États-Unis, en France, elle se réduit au strict minimum. Le célèbre magazine Mega Force servira de vitrine publicitaire dans son numéro 34 (décembre 1994), proposant une VHS mémorable, dévoilant les nouveautés de la firme pour Noël 1994 sur fond d’eurodance criarde. Mais c’est surtout la campagne marketing de SEGA France qui marquera les esprits, notamment grâce à une publicité inoubliable mettant en scène une certaine Natasha.
Lors de son lancement, l’add-on ne peut s’appuyer que sur trois titres : une version « deluxe » de Virtua Racing (déjà disponible quelques mois plus tôt sur Mega Drive), un jeu Star Wars exclusif aux consoles, et surtout... DOOM ! Un an après sa sortie sur PC, et peu de temps après le portage sur Jaguar, le jeu culte devient le fer de lance de SEGA, malgré un développement précipité pour respecter les délais de livraison, avec des niveaux supprimés et une bande-son peu convaincante.
Le 32X : le cimetière des jeux oubliés
Bien que Sega ait annoncé une dizaine de titres à venir pour 1995, l’add-on 32X a achevé péniblement sa carrière en 1996 avec seulement 40 jeux publiés dans le monde. En Europe, très peu de ces titres ont bénéficié d'une sortie en version PAL, témoignant du faible soutien marketing de l’accessoire sur ce marché.
Pourtant, entre les aperçus de l’époque, les indiscrétions de développeurs, et les prototypes qui ont émergé sur internet au fil des années, le 32X s'est distingué par de nombreux projets, parfois bien avancés voire finalisés, mais jamais commercialisés. À l’instar du Mega-CD, certains jeux paraissaient superflus, tant ils ressemblaient à leurs versions 16 bits. Par exemple, c'est le cas de Cool Spot Goes to Hollywood et Pinocchio, deux softs apparus sous forme de prototypes achevés, mais dont les sorties furent annulées. Plus intéressant, Acclaim avait prévu des adaptations de Batman Forever et Alien Trilogy pour le 32X...pour finalement migrer sur les next-gen 32bits. Ubisoft, quant à lui, envisageait de publier Rayman en même temps que la version Jaguar...
Mais l’une des plus grandes "arlésiennes" de Sega reste Shadow of Atlantis, un jeu d'aventure inspiré de 20 000 Lieues sous les mers. Bien qu’annoncé sur toutes les boîtes du 32X, ce titre n'a jamais vu le jour. Étonnamment, ce projet n’a pas été repris sur Saturn ou Dreamcast.
Myst, Aliens vs Predator, Die Hard Trilogy, Ecco the dolphin, Street Fighter...the Movie, X-Men... furent quelques uns des autres projets mort-nés associés à la bécane de Sega.
Le marketing désastreux de Sega a grandement contribué à l’échec du 32X. Positionné comme un produit transitoire, l'extension a semé la confusion parmi les consommateurs, d’autant plus que Sega n'a jamais réussi à clarifier son utilité par rapport à la Mega Drive encore en vogue et face à la sortie imminente de la Saturn. La campagne promotionnelle contradictoire a donné une image brouillée, faisant apparaître le 32X comme une tentative précipitée et peu convaincante, ce qui a rapidement mené à son obsolescence et son désintérêt auprès des joueurs.