[TEST] KHOLAT / Switch
KHOLAT
Support : Switch
Existe sur PC, XOne, PS4
Développeur : IMGN.PRO
Sortie : 2020
Inspiré d'un fait divers énigmatique, Kholat a trouvé tardivement son chemin vers la Nintendo Switch après avoir été porté sur plusieurs autres plateformes. Si l'idée de braver le froid glacial, d'affronter des marches solitaires interminables et de sentir la menace de la mort à chaque pas ne vous effraie pas, alors ce jeu pourrait bien devenir le compagnon idéal de vos soirées d'hiver…
Depuis plus d’un demi-siècle, le mystère du col Dyatlov alimente les théories les plus folles et inspire artistes et créateurs en tout genre. À la fin des années 1950, un groupe d’étudiants russes entreprend une expédition scientifique dans les montagnes glaciales de l’Oural, connues sous le nom de Kholat Syakhl, soit la « Montagne des morts ». Portés disparus, leurs corps sont retrouvés peu après dans des conditions troublantes, poussant les autorités soviétiques à conclure à une mort provoquée par une 'force irrésistible' inconnue, une déclaration laissant libre cours à toutes les spéculations.
Rebaptisé « le col Dyatlov » en hommage au chef de l’expédition, Igor Dyatlov, ce lieu tragique a profondément marqué la culture populaire, inspirant romans, musiques et films. Il était donc presque inévitable que le jeu vidéo finisse, lui aussi, par se confronter à cette énigme glaçante…
Une longue marche…
Pour adapter l’histoire macabre de cette expédition, il fallait l’audace d’un petit studio indépendant polonais : IMGN.PRO. Bien loin de la notoriété d’un mastodonte comme CD Projekt, le studio dispose d’un parcours modeste, et Kholat demeure à ce jour son titre le plus emblématique. Initialement sorti sur PC en 2015, le jeu s’est ensuite invité sur consoles de salon à un rythme régulier : PlayStation 4 en 2016, Xbox One en 2017, avant de trouver un refuge plus tardif sur Switch en 2020. Un délai qui semble avoir été mis à profit pour proposer un portage soigné.
D’autant que le soft appartient à un genre encore rare sur la console de Nintendo : le walking simulator, que l’on traduirait plus élégamment par de « l’exploration narrative ». Ici, point d’armes ni de combats. Le joueur est invité à arpenter un environnement hostile, à explorer, à découvrir des indices et à assembler les pièces d’un récit énigmatique. Une approche minimaliste qui laisse la part belle à la contemplation et à l’immersion. Néanmoins, le jeu ne se limite pas à une simple promenade contemplative. Une dimension surnaturelle vient ajouter une tension palpable : des "anomalies" menaçantes surgissent de manière aléatoire, rappelant le fonctionnement du monstre dans Alien: Isolation. Sans être un exemple, l'intelligence artificielle de ces créatures arrive à surprendre parfois le joueur, renforçant ainsi l'atmosphère oppressante et le sentiment de vulnérabilité.
Côté contenu, le portage Switch reprend (trop) fidèlement les options des autres versions avec deux options de langue proposées (anglais ou polonais), la customisation des commandes et du volume sonore et un écran de crédits. Luxe suprême pour ce petit studio, c’est toujours la voix de Sean Bean qui sert la narration principale.
Un portage plaisant mais frustrant
Lors de sa sortie en 2015 sur MAC et PC, Kholat avait su flatter les rétines malgré les moyens limités du petit studio indépendant. Aujourd’hui, bien que le temps ait fait son œuvre, la Switch prouve une fois de plus qu’elle est capable d’accueillir des titres initialement conçus pour des machines plus puissantes. Et Kholat en fait partie. Si vous avez déjà arpenté les montagnes de l’Oural sur PS4 ou Xbox One, vous ne serez clairement pas déçu : le portage Switch se montre propre et agréable, particulièrement en mode nomade.
Dès les premières minutes, le charme opère à nouveau. Le premier acte nous dépose dans une petite gare russe balayée par le vent glacial, offrant une carte postale photoréaliste, bien qu’entachée d’un flou léger jusque-là inédit sur les autres supports. En poursuivant notre périple, on remarque cependant les limites techniques de ce portage : un aliasing plus prononcé qu’autrefois et de petits temps de chargement viennent s’inviter au périple. Rien de rédhibitoire même si forcément cela entache la progression générale.
Plus gênant, cinq ans après la sortie initiale du soft, on aurait espéré voir certains défauts corrigés. Ainsi, les checkpoints, symbolisés par les feuillets de journal disséminés dans l’immense carte, restent les seuls points de sauvegarde. Une mécanique qui peut rapidement se montrer frustrante : échouer loin de son dernier point de passage signifie souvent devoir recommencer de longs segments. Pire encore, si vous n’avez aucun sens de l’orientation (croyez-en l’expérience de votre serviteur), vous risquez de perdre patience en errant dans ces montagnes hostiles. La map, censée nous aider à nous diriger est plutôt illisible et on ne sait toujours pas où l’on se dirige. Autant de choix de gameplay, qui auraient pu être adoucis par l’ajout d’un mode facile ou de quelques aides optionnelles pour cette version Nintendo.
En somme, ce portage Switch reste globalement très jouable, relativement fluide et reprend fidèlement l’expérience d’origine, mais sans apporter d’améliorations ni de bonus spécifiques pour séduire les joueurs familiers du titre. Un léger goût d’inachevé, donc, qui n’enlève rien au charme du jeu, mais qui trahit une certaine paresse de la part des développeurs.
Une ambiance unique
C’est dans la pénombre, casque vissé sur les oreilles, que Kholat parvient à déployer tout son potentiel grâce à une ambiance tout simplement unique. Malgré son côté dirigiste (ne vous attendez pas à un « vrai open-world » ; l’immense carte se révèle plutôt linéaire, balisée par des couloirs naturels), l’exploration de la nature sauvage à la recherche d’indices et d’éléments permettant de reconstituer l’histoire s’avère un défi savoureux.
La dimension sonore est sans conteste l’élément le plus abouti du jeu. Le silence pesant de la neige, les cris lointains des loups, ou encore les bruits inquiétants émanant de cet environnement nous tiennent constamment en alerte. En prime, la sublime bande-son signée Arkadiusz Reikowski (compositeur des Layers of Fear et The Medium) transforme notre excursion en une promenade mélancolique, rendant l’expérience encore plus immersive et envoûtante. Efficace.
Malgré l'absence de nouveautés, Kholat parvient à proposer efficacement sur Switch une formule qui a déjà fait ses preuves sur d'autres plateformes. Même si l'on aurait apprécié quelques améliorations ou bonus ici et là, le jeu reste une expérience intéressante et largement accessible (autour des 3 €, selon les périodes), ce qui en fait, de facto, un must-have ou une curiosité à explorer sur la console de Nintendo.