STREETS OF RAGE
Support : Mega Drive
Editeur/Développeur : SEGA AM7
Sortie : 1991
Premier contact
Au début des nineties, si tu ne vivais pas de passion dévorante pour au moins trois Beat’em All en même temps, tu venais forcément d’une autre planète dans ta tête. Il y en avait partout ! Final Fight, Double Dragon et plein d’autres… Golden Axe, j’y jouais sur l’Atari de mon pote de CP, mais aussi chez un autre gars qui avait une Mega Drive comme moi. Un jour que j’entrais dans sa salle télé, Conan et Xena avaient laissé l’écran dispo pour deux jeunes bagarreurs en pantalon de cuir moulant. Quant aux monstres et squelettes, des gangsters à crête de punk et des prostituées équipées de fouets les avaient remplacés. Un peu jeune pour comprendre ce qui se tramait chez ces gens-là, je me contentais de taper dessus, rien d’autre n’importait. Streets of Rage, que ça s’appelait, et au niveau du fun que ça injectait dans mes veines, ça enterrait mille fois Golden Axe. Impensable mais vrai, en tout cas durant l’euphorie de la découverte.
Retour sur expérience
Ce jeu me donnait toujours l’impression (erronée, évidemment) que je pouvais tabasser n’importe qui dans la réalité sans risquer ma peau. Un sentiment encore plus grisant que de manger des Lucky Charms en regardant Cat’s Eyes à la télé (je dis ça juste pour caser des réfs de souvenirs d’enfance, oui oui). Heureusement, je n’ai jamais essayé de concrétiser ces pensées farfelues. Le panel de coups disponibles (dans le jeu, hein), avait de quoi rendre fou, surtout qu’on pouvait réaliser des attaques en s’aidant du partenaire, la classe ultime. La diversité des objets à ramasser montait à la tête aussi, du couteau à la barre de fer, en passant par la salière de resto. Trop cool. Et la maniabilité impeccable faisait mordre la poussière aux concurrents direct. Sans parler de l’attaque spéciale qui appelait une bagnole de flics, avec le passager qui sortait par le toit-ouvrant et tirait au bazooka sur tous les ennemis à l’écran. Ce jeu pouvait réconcilier n’importe qui avec la police, du moins jusqu’à une nouvelle interpellation dans la vraie vie, justement parce qu’on se retrouve à rétamer de pauvres innocents à coups de pied de biche sans trop savoir pourquoi. Streets of Rage m’a toujours donné envie de développer mon propre Beat’em All, et je l’aurais fait si je n’étais pas une aussi grosse feignasse incapable d’écrire trois lignes de code.
Flashback spécial ambiance
Les années 80 ont fait leur temps, place aux années 90, et ça se voit ! Ces rues illuminées de néons multicolores (mais crades), ces criminels fringués comme s’ils se rendaient à leur séance d’aérobic (crades aussi), la techno sur le point d’envahir la planète... Quelqu’un a-t-il envie de remonter le temps avec moi ? Personne ? Bon, OK. Peut-être le pote qui m’a fait découvrir cette tuerie, tiens. Bref, toute l’action se déroule de nuit, dans des quartiers craignos ou des bâtiments lugubres. Certains ennemis mériteraient le statut de mutants, hauts de trois mètres et pourvus de griffes comme celles de Freddy Krueger. Pourquoi ils existent eux ? On ne traîne pas dans un monde réaliste ? Qu’importe, il faut tous les envoyer au trou ! À base de grosses mandales et de coups de latte, bien sûr. Les héros que l’on incarne ont à peine dépassé la majorité, mais ils ont déjà embrassé, et abandonné, une carrière de flic ; tout ça pour aller nettoyer les rues de manière plus... “efficace”. On n’est pas chez les petites natures, ici ! Et mine de rien, pour une raison qui m’échappe, à six ou sept ans, cette avalanche de crime me paraissait tout à fait normale. Peut-être parce que je ne captais rien au contexte ; tant mieux hein.
Réécoute de la bande-son
Yuzo Koshiro, une légende dans le milieu de la création sonore vidéoludique, a réalisé l’OST. La preuve, fait plutôt étonnant, son nom apparaît dès l’écran d’accueil du jeu, avec copyright déposé et tout (j’en profite pour caler que son travail sur The Revenge of Shinobi mystifie tout autant les oreilles). On doit écouter ce qui se fait de mieux sur Mega Drive, et de loin (constat ultra subjectif et ultra pas argumenté, mais partagé par des MILLIONS de personnes). Lui aussi il donne des concerts comme Nobuo Uematsu avec Final Fantasy Un concentré de groove, de house et de techno qui transcende notre adresse à la manette, quand elle ne nous fait pas perdre totalement le contrôle de nous-mêmes. Les compositions font partie de ces perles rares, des bijoux 16-bits qui sonnent presque mieux que de vrais morceaux réalisés avec du vrai matos. Si quelqu’un passe un son de Streets of Rage en soirée, peu importe ce qui aura pu arriver d’autre ce jour-là ; pour moi ça aura valu le coup d’être sorti. Évidemment, jamais personne, y compris moi-même, n’a jamais vécu un tel moment de grâce dans mon entourage.
Moment Nostalgie
1991, l’année de naissance de Sonic sur Mega Drive, une sorte de repère universel pour tous ceux qui veulent situer leur place dans la grande timeline vidéoludique… Bon, j’en sais rien, peut-être pour moi tout seul en fait. Mais même si j’ai souvent considéré le hérisson bleu comme mon meilleur copain imaginaire, Streets of Rage fait vibrer ma fibre nostalgique avec autrement plus de force. Quand j’allais chez le pote qui me l’a fait connaître (plutôt en 1993 qu’en 1991, en vérité), on éclatait du zonar à s’en faire mal aux pouces. Une fois nos doigts pétris d’ampoule, on passait des heures à s’échanger des cartes Dragon Ball, goodies ultra à la mode à l’époque. On marchandait comme des oufs, je me faisais toujours blouser, mais j’arrivais à me convaincre que je faisais des affaires quand même. De gentils tabasseurs de loubards dans l’hémisphère gauche du cerveau et des Super Saiyens dans le droit ; mal barrés pour s’insérer dans la vie active ! J'espère que ce gars aura réussi.
Instant le plus stylé
Arriver jusqu’au boss final, le laisser faire son monologue écrit en anglais, ne rien y comprendre et choisir la mauvaise option, qui termine le jeu direct sans lancer l’affrontement (parce qu’on passe du côté des bandits, mais on captait que dalle). Allez, on recommence depuis le début !