DRAGON BALL Z SUPER BUTODEN
Support : Super Nintendo
Editeur: Bandaï
Développeur: Bandaï
Sortie: 1993
C'est l'histoire d'un jeu cristallisant en une cartouche seule tous les désirs les plus fous d'une jeunesse férue de jeux de
bagarre et qui découvrait les manga, et qui ne pouvait avoir d'autre destinée que celle d'un Best Seller absolu, j'ai nommé Dragon Ball Z Super Butoden, sur Super Nintendo, dont la qualité, c'est
le moins que l'on puisse dire, fut sujette à controverse. Avec le recul, ce jeu mérite-t-il pourtant d'être encore aujourd'hui voué aux gémonies des rétro-joueurs ?
Plaidoyer :
Les passions ont ceci de déraisonnable que le plus sûr moyen de passer outre l'une d'elles est de se jeter dans les bras d'une autre.
Je l'ai dit, ne revenons pas là-dessus, au collège, ma passion, c'était les jeux vidéo sur consoles Sega. Enfin... Après les filles, bien sûr, mais lorsque l'on s'engage sur les chemins tortueux
et solitaires du geekisme, n'est-ce pas, chacune de nos prestations en cours d'EPS nous rappelle que c'est pas pour tout de suite et que la concurrence sera rude. Pour l'heure, ce serait Sega,
donc. Il aurait fallu me payer cher pour passer à l'ennemi. Oh, je ne dis pas, il s'en était fallu de peu pour que je bascule, mais puisque nous allions notamment pouvoir insérer notre Street
Fighter II' dans notre Perle Noire (quoi ?), non, vraiment, je n'avais plus aucune raison d'envier quoi que ce soit du côté de la firme au plombier. Aucune chance. Et pourtant, les poches
pleines des centaines de francs reçus pour Noël en cette belle, superbe année 1993, les joues rosies par l'excitation, je poserais une Super Nintendo (pack Pilotwing) sur le tapis roulant noir
d'une caisse quelconque du supermarché l'Univers à Onet-le-Chateau (12).
C'est que, quelques mois plus tôt, il y avait eu ces quelques photos... De mémoire sur Console +. Une « Preview » me
semble-t-il... Ce personnage, aux cheveux bruns ébouriffés, cette tunique orangée, et soudain cette goutte de sueur glacée roulant le long de mon échine : « Oh putain, y a un Dragon
Ball Z qui va sortir sur Super Nintendo. » Cette fois-ci était celle de trop. Parce qu'au début des années 90, lorsqu'on est un petit mec en devenir, on a, tous, un point commun : c'est
l'adoration jusqu'à la folie pure d'un dessin animé (je ne suis même pas sûr que j'appelais ça « manga », à l'époque) généreusement prodigué par Sainte Dorothée et sa tripotée de
débiles mentaux assumés (no offense, j'assume totalement cette époque-là, respect, mais le moins que l'on puisse dire c'est que ça ne tirait pas vers le haut), dessin animé dont le héros se
nommait Son Goku. Cette fois, je renonçais, et rendais les armes : il me le fallait, ce jeu. Et puisque cela passait par l'emplette de la 16 bits de Nintendo, eh bien, tant pis, j'allais m'y
résigner.
Et pourtant, les critiques dans la presse n'étaient même pas bonnes, loin de là. Il était question d'un jeu bâclé, il y avait consensus
autour du fait que vraiment, Bandaï ne se foulait pas, fournissait le minimum syndical en appuyant de tout le poids de cette « hénaurme » licence sur les plus solides des réticences. Et
puis le prix : on parle de 549F, cette foutue barre symbolique des 500 boules une nouvelle fois allègrement franchie. Autant de raisons qui auraient pu, et même dû faire reculer tout
acheteur potentiel. Non mais pour qui nous prenaient-ils, ils pensaient vraiment qu'il suffisait d'écrire Dragon Ball Z sur une boîte en carton pour qu'on fasse sauter la tirelire ?
Hein ? Vous croyez vraiment qu'on peut me faire ce genre de coup, à moi ? … Bon, je l'ai acheté. Oui, oh, ça va, j'avais 13 ans, quoi ! Genre, vous l'avez pas acheté, vous, à
l'époque ? Tsss. Ainsi, quelques jours après l'achat de la console, mes étrennes complétées, je filais en courant au Jouet Club de Rodez (12), cautionner cette bien triste entreprise
d'exploitation du fanatisme enfantin qu'on appelait (et qu'on appelle toujours, d'ailleurs) Bandaï, et repartais avec celui qu'on appelait encore parfois Dragon Ball Z 2, puisqu'un jeu de rôle
existait déjà sur ce support (Dragon Ball Z : Super Saiya Densetsu).
Ceci pour le contexte, maintenant, le fond des choses. Dragon Ball Z Super Butoden, donc, est un jeu de combat à un contre un pour un
ou deux joueurs, relatant les aventures de Son Goku et ses amis (et anciens ennemis) sur une assez large période s'étalant de la finale du 23ème Tenkaichi Budokai (qui, s'il faut être précis, est
un événement de Dragon Ball tout court, sans Z) jusqu'à la mort de Cell. Au menu, donc, huit personnages, tous jouables, auxquels viendront s'ajouter les versions Super Saiyajin de Goku et
Vegeta, Gohan, Trunks, ainsi que la forme parfaite de Cell. Un casting somme toute impeccable. Ces derniers personnages ne sont pas à proprement parler « cachés », mais se débloquent au
fur et à mesure de votre progression lors du mode Histoire.
Car, c'est là la première originalité de ce DBZ vis-à-vis de ses concurrents, le déroulement ne suivra pas une trame classique
« choix du perso, puis combat de chacun des ennemis un à un », mais vous proposera de revivre comme si vous en aviez les commandes le scénario de la célèbre saga. Si vous n'aurez de
prime abord pas d'autre choix que d'affronter Piccolo avec Goku, par la suite vous reviendra la décision d'abattre votre adversaire avec tel ou tel personnage jusqu'à la mort éventuelle et
surtout irréversible (du moins, jusqu'au « Continue ») de chacun d'eux. Ainsi, s'il vous vient la lubie de démonter Freezer avec Piccolo, et plus tard Cell avec Vegeta afin d'inventer
une version de la réalité débarrassée de la famille Son (que vous aurez pris soin de laisser claquer sadiquement au préalable) que même Toriyama via Trunks du futur n'aurait pu imaginer, eh bien
faites donc, c'est vous qui voyez (y en a qui ont essayé). J'insiste : c'est quelque chose qui peut paraître absolument anecdotique aujourd'hui, mais on touchait là un imaginaire extrêmement
sensible et débordant de passion. Voilà que non seulement l'on pouvait revivre une aventure sur laquelle on avait vibré chaque mercredi matin, mais en plus il nous était devenu possible de la
recréer à notre façon, subtilement mais concrètement. Nos héros, jusqu'ici impalpables, faisaient là, à peu près, dans nos mains, ce que l'on avait décidé. Bon sang, comment, je vous le demande,
comment aurait-on pu ne pas (vouloir) acheter ce jeu, à l'époque ?
Hors le mode Histoire, on trouve un mode Combat, et un mode Championnat. Le premier propose, comme son nom l'indique, des combats, vous
contre l'Ordinateur, vous contre un amis à vous, ou même, et je crois qu'on touche là à la substantifique moelle de l'inutilité, l'Ordinateur contre lui-même. Oui. Alors déjà, regarder des gens
jouer, c'est chiant, quand bien même vous les aimez beaucoup. Mais une intelligence artificielle... Et qu'on ne me dise pas que cela permet d'apprendre des techniques : si l'on veut
apprendre, soit on met la difficulté au minimum et on se jette dans le bain, soit on se met en mode deux joueurs et on fait des essais, mais on ne regarde pas un ordinateur qui ne vous explique
même pas, le fumier, comment il fait quoi que ce soit, pendant des plombes. Le Mode Championnat, enfin, propose de participer au Tenkaichi Budokai, ce qui est une excellente idée, et ce, en
conviant jusqu'à huit joueurs humains aux festivités, ce qui est encore plus excellent. Si on a des amis. Les joueurs choisissent donc un personnage chacun, et l'IA complète le tableau, si
besoin. Il est à noter que vous n'aurez pas à vous cogner les éventuels affrontements Ordi Vs Ordi, et que ça, c'est une sacrée bonne nouvelle. Par contre, vous avez la possibilité,
accrochez-vous, de ne choisir aucun personnage, auquel cas vous aurez le loisir de contempler... l'Ordinateur tirer au sort un vainqueur à chaque match... Oh, non, pas de question, je ne veux pas
savoir. Ah, et il faut aussi noter que, dans la série « les programmeurs ont vraiment les fils qui se touchent dans les boyaux de la tête », si le joueur humain est désigné, au tirage
au sort, après son adversaire artificiel, il devra, impérativement, utiliser la deuxième manette. Deux pads pour du « One Player », splendide. Mais je chipote, et au fond, je crois que
je trouve tout cela plutôt drôle. Enfin, avec le recul.
La seconde originalité, et qui fera la singularité des DBZ sur console, et ce pendant encore plusieurs années, c'est l'utilisation d'un
écran splitté lorsque les deux adversaires s'éloignent l'un de l'autre, faisant ainsi (et pour la première fois à ma connaissance, mais je compte sur les Gamopat pour me détromper le cas échéant)
exploser le carcan représenté par les limites de l'écran dans un jeu de combat. Une idée lumineuse car permettant encore une fois la recréation totale de l'ambiance du dessin animé, où il est
fréquent que les combattants s'arrosent à grande distance de boules d'énergies et autres effets pyrotechniques. Vous pourrez donc vous éloigner latéralement, mais également verticalement,
puisqu'un bouton vous permet de vous envoler si vous étiez au sol, ou d'y revenir si vous étiez en l'air. Du coup, afin d'estimer l'espace qui vous sépare de l'adversaire, un radar est mis à
votre disposition. Détail, certes, mais détail qui tue : les cyborgs y sont indétectables, comme dans le manga, puisque n'ayant pas de Ki. Le genre de truc qui me faisait glousser de bonheur
à l'époque (je sais, je sais...).
Concernant les boules d'énergies et autre Kamehameha, si Ryu et Ken pouvaient balancer du Hadoken comme on enfile les perles sans
jamais se soucier d'y laisser des plumes, ça n'est pas le cas de nos héros : afin de porter une attaque de ce type, il faudra d'abord avoir patienté suffisamment de temps pour que la barre
de Ki (indépendante de la barre de santé) le permette, ou bien s'attendre à ce que votre personnage se retrouve totalement essoufflé. Et patienter n'est pas un vain mot tant celle-ci se remplit
lentement. Il est néanmoins possible d'accélérer ce processus en appuyant sur bas alors que vous êtes en l'air, ou bien en parant les coups adverses, mais c'est un pis-aller, comment les
programmeurs ont-ils pu négliger cet aspect pourtant fondamental de la série qu'est le chargement volontaire du Ki à grand renfort d'étincelles (événement hélas si peu rare dans le dessin animé,
et qui pouvait durer à peu près le temps d'une traversée de terrain de foot dans Olive et Tom) ? Impardonnable, c'est, à mon sens, le défaut majeur de ce Super Butoden. Oui, bien avant tout
le reste, que nous évoquerons plus tard. Pardon ? Là, maintenant ? Bon...
Lorsque l'on évoque la série des Super Butoden sur Super Nintendo, la réponse cliché est en effet celle-ci : « ah ouais, le
premier était nul, mais le deuxième était énorme ».
En cause, tout d'abord, le gameplay. Car, il faut l'admettre, ce qui frappe de prime abord est que ce jeu est un peu lent, offre une
sensation de lourdeur, d'inertie dans ses commandes, notamment pour les sauts, à la distance mal gérée, et qui manquent clairement de vivacité autant dans la prise de hauteur que lors de
l'atterrissage, comme en apesanteur. Pour autant, si l'on y regarde de près aujourd'hui, c'est un reproche que l'on peut, évidemment dans une moindre mesure, adresser également à Street Fighter
II, pourtant une sacré référence, qui, je maintiens, jetez-moi toutes les pierres que vous voudrez, est un peu pataud sur la 16 bits de Nintendo. Qui plus est, ce défaut disparaît à peu près
complètement lorsque l'on a accepté que l'esprit de ces deux jeux diffère totalement. Alors que dans les « SF2-like » le saut a une importance fondamentale dans la mesure où il
conditionne un travail au corps à corps en deux coups maximum, et nécessite donc une précision absolue, les DBZ misent bien davantage sur une arrivée frontale en course (« en vol »
serait plus exact) suivi d'un enchaînement puis d'une retraite rapide. Soit un jeu « latéral » où le saut n'est souvent qu'anecdotique puisque, quitte à prendre de la hauteur, on lui
préférera carrément l'envol. Il faut néanmoins admettre que, du coup, le jeu est spontanément moins agréable car nécessitant un délais de déshabituation/réhabituation, le temps de passer d'un
standard de gameplay à un autre. Mais une fois le pli pris, on se rend compte que ce Super Butoden est agréable, pas moins répétitif que n'importe quel autre jeu de baston (où, reconnaissez-le,
vous vous battez toujours de la même façon, une fois votre style trouvé), et oblige à des combats patients, empreints de sang-froid en attendant le moment opportun pour passer à
l'attaque.
Le second défaut concerne les graphismes, auxquels on reprochera une pauvreté certaine, ainsi qu'une qualité fort moyenne. Sur ce
dernier point, il n'y a rien à réfuter, la machine avait déjà prouvé ses capacités, il était possible de faire tellement mieux que les regrets s'imposent d'eux-mêmes. Mais, vraiment, le jeu n'est
pas laid. Quitte à jouer une nouvelle fois les sacrilèges, je trouve même son parti-pris graphique plus pertinent que celui de ses deux suites. En effet, ce premier Super Butoden possède un style
bien plus proche du dessin animé. Si on y regarde de près, les personnages sont vraiment jolis, leurs visages plus expressifs, là où les opus ultérieurs adopteront un autre style, plus lissé,
mais qu'à titre personnel je trouve moins esthétique et moins ressemblant au modèle. Et puis, n'importe quel combat sur le tatamis en caillasse (drôle d'idée, quand même) du Tenkaichi Budokai, un
lieu « urbain » et limité en longueur qui du coup ne souffre pas de la sensation de vide suscitée par les scènes extérieures, vous convaincra mieux qu'un long discours, c'est
indubitablement joli.
Enfin, il faut, au crédit de ce Dragon Ball Z, ajouter les musiques, qui sont parmi les meilleures tous jeux de bagarre confondus.
Pêchues, entraînantes, restituant finement l'ambiance du dessin animé, pour moi c'est le sans-faute, et sur ce point cette cartouche enfonce littéralement son pourtant renommé successeur aux
thèmes mous du genou. Ce sont des musiques dont, des années après avoir rejoué ma dernière partie, je me souvenais encore parfaitement, et des musiques qui se fredonnent, qui donnent de l'entrain
bien après la console éteinte. De même, le joueur de goût qui ne conçoit de regarder le dessin animé que dans sa version japonaise sous-titrée (ou pas d'ailleurs) aura le plaisir de retrouver,
mais c’est à ma connaissance le cas pour tous les DBZ vidéoludiques, les véritables voix digitalisées des doubleurs originaux. Tous ceux qui ont subi leur enfance durant le doublage français au
je-m'en-foutisme avéré concernant la fidélité et la conviction des acteurs (je n'évoque même pas les traductions approximatives ou carrément fausses provoquant parfois des incohérences majeures
dans le récit) savent le plaisir immersif et le confort que ce genre de détail représente.
Dragon Ball Z n'est pas un jeu raté. Rien de ce qui s'y trouve ne sera omis par sa suite, preuve s'il était nécessaire que tout
était déjà là ou presque. Sa suite ne fera que lécher quelque peu l'ensemble pour lui donner un aspect plus brillant et changer les personnages. Pour ma part, je n'hésite pas une seconde à
affirmer que ce Super Butoden est un must-have dans la logithèque de la Super Nintendo et qu'il représente un véritable tournant pour tous les gens de ma génération qui se sont vus pour la
première fois proposer d'incarner de façon palpable les héros de cette série animée, dans un jeu d'action. J'irai même jusqu'à émettre la supposition que le jeu vidéo s'est employé à perpétuer un
engouement pour ce manga, même durant les longues périodes où ce dernier n'avait plus la moindre actualité. Parlerait-on encore aujourd'hui de cette série, aurait-elle même été mise à jour
(Dragon Ball Kai), si durant des années des jeux toujours plus fidèles étaient sortis pour nous rappeler à son bon souvenir ? Je n'en suis pas convaincu, et Dragon Ball Z Super Butoden est
une pierre angulaire du culte érigé à l'édifice de Toriyama. Une pierre aux aspérités parfois un peu regrettables, mais qui remplit fort bien son office, et avec tout le respect attendu pour une
telle licence.
Note technique : 5/10
Note artistique : 8/10
Gameplay : 7/10
Replay Value : 9/10
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29/40
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SUPPOS : 4,5/6
(Appréciation personnelle)
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