BATMAN
Support : Nes/Famicom
Développeur : Sunsoft
Sortie : 1989 (JAP)
Batman: The Video Game (バットマン), inspiré du film de Tim Burton avec Michael Keaton, Jack Nicholson et Kim Basinger comme têtes d’affiche, parait initialement au Japon en décembre 1989, soit quelques mois après la sortie du long métrage en salle. Le dernier né des studios Sunsoft sort ensuite en Occident, en février 1990 aux USA et en septembre 1990 en Europe.
Le scénario vous est révélé si vous patientez quelques secondes à l’écran titre. Des images fixes illustrant les 3 acteurs principaux accompagnées de quelques phrases succinctes vous en apprennent alors un peu plus sur l’histoire :
Gotham City, en pleine préparation pour le festival marquant les 200 ans depuis sa création, est ravagée par de nombreux crimes, en proie à une violence omniprésente perpétrée par la pègre locale. Après que Jack Napier est tombé dans une cuve de produits chimiques après un affrontement avec Batman, il devient le Joker et sème le chaos en répandant un gaz neurotoxique dans toute la ville. Le Dark Knight représente le dernier espoir de Gotham, et il est prêt à en découdre avec le Joker pour sauver les citadins et assouvir son désir de vengeance (le Joker étant responsable de la mort de ses parents alors qu’il n’était encore qu’un enfant).
Le scénario reste assez sommaire et s’éloigne de la trame scénaristique du film, en la réinterprétant avec une certaine liberté, avec notamment de nouveaux monstres et boss, issus de l’univers DC Comics. Signalons quand même un souci du détail manifeste avec de jolies cut-scenes animées très bien réalisées, à la fois sobres et élégantes, montrant la Batmobile sous son plus beau jour.
Le jeu surprend par sa direction artistique très affirmée, avec une ambiance sombre et une palette de couleurs assez restreinte lui conférant un cachet unique. De nombreux stages prennent place dans la pénombre, dont les ruelles de Gotham, ce qui accentue d’autant plus leur aspect malfamé. Les environnements s’avèrent finement détaillés et comportent quelques éléments animés (dont des téléviseurs affichant le visage du Joker). Les animations des personnages n’ont pas à rougir pour un titre de première génération, avec des mouvements bien décomposés. Les développeurs ont même pensé à ajouter quelques effets sympathiques : quand Batman périt, il disparait dans un nuage de poussières enflammées prenant la forme d’un chiroptère. La taille du héros et des ennemis pourra vous rebuter initialement mais, en contrepartie, le jeu est d’une fluidité à toute épreuve ou presque. Et la relative petitesse des sprites (et notamment celle de Batman) renforce l’impression d’évoluer dans des environnements immenses ! Quelques ralentissements sont à déplorer à 2 ou 3 reprises, en général en présence d’un gros ennemi ou lorsque l’écran se retrouve surchargé de sprites.
Etonnamment, pour un titre estampillé Batman, on ne peut pas utiliser le grappin... Vous devrez vous contenter d’un wall jump qu’il faudra absolument apprendre à maîtriser pour espérer progresser dans l’aventure. Batman fait usage des poings (veillez à marteler le bouton de frappe afin d’immobiliser temporairement les ennemis) mais il peut également récupérer 3 armes spéciales, en mettant la main sur des munitions symbolisées par un item. Vous switcherez de l’une à l’autre à la volée en pressant le bouton Start, sous réserve que le nombre de munitions ne tombe pas à zéro. En effet, les 3 armes, dont voici les caractéristiques principales, utilisent des munitions communes :
- Les Batarangs, des boomerangs à la fréquence de tirs rapide pouvant frapper un ennemi plusieurs fois d’affilée. Très efficaces à mi-distance, ils ne consomment qu’une seule munition et deviendront rapidement votre arme de prédilection !
- Le BatGun, un pistolet dont la cadence très faible est compensée par une portée élevée. Il vous en coûtera 2 munitions à chaque tir… Cette arme présente un intérêt plus que limité, il y a même fort à parier que vous la laisserez volontairement de côté…
- Le Batshuriken, qui envoie une salve de shuriken. Très coûteuse (3 points de munitions), cette arme balaie un spectre très large, traverse les décors et inflige des dégâts considérables. Un bon complément aux batarangs en fin de compte.
Vous ne pouvez avoir que jusqu’à 99 munitions en votre possession, et ces dernières ont tendance à fondre comme neige au soleil, tant les armes spéciales vous seront utiles dans votre aventure… Et pas seulement contre les boss ! Outre l’item de munitions (correspondant à 10 unités), les ennemis abattus lâchent des items « B » (vous octroyant des bonus de points) et des items de cœur, qui vous donnent un point de vie supplémentaire (votre barre de vie étant constituée de 8 unités).
Le gameplay ne souffre d’aucun défaut notable, et brille même par sa précision. Une légère latence et une certaine inertie se feront ressentir, notamment lors des sauts. Mais vous prendrez rapidement vos marques !
Batman s’apparente à un action-platformer composé de 5 stages, eux-mêmes subdivisés en 3 zones (sauf le dernier). Vous débuterez votre périple dans les rues crasseuses de Gotham jusqu’à l’hôtel de ville, poursuivrez dans l’usine de traitement des déchets chimiques Axis, continuerez dans un réseau d’égouts reliant toute la ville, puis pénétrerez dans les ruines d’un laboratoire contaminé et abandonné comprenant différentes zones, dont une usine de traitement thermique. Enfin, vous terminerez par la cathédrale, avec une ascension dantesque menant au clocher.
Le level design constitue vraiment un modèle du genre. Les niveaux gagnent en verticalité au fur et à mesure de votre progression, vous obligeant à user et abuser du wall jump.
Comme je le signalais en plus haut, les boss ne sont pas issus directement du film mais de l’univers DC Comics. Certains vous en feront baver :
- Killer Moth, un assassin équipé d’un jet pack qui réalise des attaques piquées et qui vous envoie des sortes de boule de feu. Restez sur les côtés de l’écran et attendez le moment opportun pour lui envoyer quelques batarangs bien placés !
- Un système d’intelligence artificielle (un ChatGPT avant l’heure si vous préférez !) qu’il faudra battre en détruisant successivement 3 cibles : le régulateur de courant électrique (à distance), le canon (à distance) et le centre névralgique (à l’aide de vos poings).
- Electrocutioner, un puissant guerrier qui virevolte et qui vous balance des attaques électriques quasi impossibles à éviter. La stratégie la moins risquée consiste à rester au-dessus de lui, de l’esquiver quand il saute et de l’attaquer à l’aide de vos shurikens. Il est également possible de tirer parti d’un glitch pour l’attaquer dans le dos, mais les conditions pour réussir à activer ce bug sont assez nébuleuses… Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un boss particulièrement retord !
- Une sorte de machine alarme contrôlant 2 éléments mobiles évoluant sur des rails et dont l’un peut lâcher des bombes incendiaires. Pratiquement une formalité (surtout en comparaison du boss précédent), d’autant plus que vous pouvez en venir à bout à coups de poing uniquement.
- Firebug, le garde du corps du Joker, qui précède l’affrontement avec ce dernier. Loin d’être évident, il faut dans l’idéal rester sur la partie gauche de l’écran, sauter par-dessus ses énormes boules de feu (avec le timing adéquat) tout en espérant qu’il n’ait pas l’idée saugrenue de venir vous attaquer au corps-à-corps !
- Le Joker, de très loin votre adversaire le plus coriace ! Il est équipé d’un gros pistolet (chaque balle vous ôtant 3 points de vie) et il possède également une attaque envoyant 3 éclairs mortels à chaque fois qu’il lève le bras. Il faudra faire preuve de beaucoup de patience, d’endurance et de persévérance pour espérer le vaincre !
La difficulté reste toujours très bien dosée. Elle monte crescendo à partir du niveau 3, avec un vrai gap. Le jeu est donc ardu mais est loin d’être infinissable pour autant, d’autant plus qu’il propose des continus infinis. Pour vous en sortir, il vous faudra mémoriser le positionnement des ennemis, les nombreux pièges (tapis roulant, arcs électriques, gouttes d’acide, mines de proximité etc), choisir la bonne arme en fonction de la situation et économiser vos munitions dans la mesure du possible. Les ennemis de base présentent des patterns différents (certains vous tirent dessus, vous obligeant à vous accroupir ; d’autres vous foncent dessus sans vergogne, etc) qu’il faudra assimiler. Comme dans la plupart des jeux 8-bits de l’époque, leur positionnement pose problème, souvent en bordure de plateforme ! Il peut également s’avérer utile de ‘’manipuler’’ le comportement des ennemis : revenir sur vos pas pour les faire disparaitre ou au contraire ne pas trop avancer pour les garder à distance et éviter leurs attaques scriptées. Ce constat s’applique notamment contre des espèces de gorilles/crapauds robotiques bondissants qui sont sacrément coriaces et qui auront vite fait de vous sucrer une grosse partie de votre barre de vie ! Comme dans bon nombre d’action-platformers sur NES/Famicom (Rockman en tête), vous pouvez également faire un peu de farming, en détruisant des sortes de bombes lâchées à l’infini par des mini-stations suspendues au plafond qui vous rapporteront des items une fois détruites. Mais la manœuvre est loin d’être évidente, puisqu’il faudra avoir une cadence de frappe très élevée pour ne pas vous faire toucher par ces bombes qui explosent à votre contact. A vos risques et périls donc…
Le jeu se plie en une grosse demi-heure. Certains le trouveront un poil trop court mais il offre un concentré d’action à l’état pur, et les parties sont suffisamment condensées pour que l’on y revienne facilement. Le jeu se prête d’ailleurs très bien au speedrun. A noter que la version Famicom est un poil plus difficile (pour une fois !), avec des ennemis légèrement plus résistants.
La version prototype du jeu présente quelques différences significatives, comme une icône 1-up et des cinématiques, issues des comics, qui n’ont rien à voir avec celles qui seront retenues. Le boss final n’était autre que Firebug, le Joker ayant été finalement rajouté à la toute fin du développement.
Impossible de ne pas mentionner les musiques signées Naoki Koadaka et Nobuyuki Hara, qui figurent parmi les meilleures entendues sur la 8 bits de Nintendo. Typiques des productions Sunsoft, elles s’avèrent très rythmées et dynamiques, avec une utilisation quasi parfaite de la basse et de la batterie (employant le canal audio des samples du processeur sonore). Les boucles, courtes donc très facilement mémorisables, donnent la pêche et ce supplément d’âme au joueur pour mener à bien sa mission ! Seul léger bémol, la musique du stage 5, un copier-coller de celle du tout premier stage, mais je chipote…
En conclusion, vous l’aurez compris, Batman fait figure d’indispensable, parmi les tous meilleurs action-platformers de la console, malgré une concurrence très féroce sur le support. Il constitue même un véritable tour de force pour un titre sorti fin 1989 / début 1990 et représente encore aujourd’hui l’une des meilleures (si ce n’est LA meilleure) adaptations vidéo-ludiques de l’homme chauve-souris. On pourra à la limite lui reprocher l’absence d’un système de passwords. Et 1 ou 2 niveaux supplémentaires n’auraient pas été de refus… Quoiqu’il en soit, il reste un jeu intemporel, un classique du genre et de la console. Un indispensable donc !
SUPPOS : 5,5/6