[RETROGAMING] Mortal Kombat / Megadrive
MORTAL KOMBAT
Editeur : Acclaim Entertainment
Développeur : Midway
Sortie : 1993
Support : Megadrive
Existe aussi sur Super Nintendo, Master System, Game Boy, Game Gear, PC et Amiga
Une partie de Mortal Kombat ? Ouais, pourquoi pas. Mais sur quelle cons... ? Super Nintendo ? Hum, tu m'excuseras, mais non
merci, j'ai déjà vu Blanche Neige trois fois, et c'était plus « mortal » que ta bouse. Maintenant pardon mais je vais te laisser jouer avec les autres enfants, faut que j'aille
massacrer un jeu d'adulte, sur une console d'adulte, parce que tu comprends, la décapitation ça n'attend pas.
On la tenait, notre revanche, et c'était peu dire qu'on crânait, à la récré. « Nous », c'était les possesseurs de Megadrive.
On s'était habitué durant des mois, des années, à posséder le nec plus ultra du jeu vidéo: 16 bits, c'était Sega, point barre (on savait que c'était faux, mais la concurrence n'était pas
distribuée chez nous), nous étions dans la place, à notre place, au sommet du monde. Mais les problèmes arrivaient. Ces choses-là ne s'appelaient pas encore « inferiors », et pourtant
ils défilaient, depuis l'entrée en jeu de cette traînée de Super Nintendo. Et vas-y que je me pavane avec des plus beaux graphismes, et hop, que je laisse négligemment tomber un mouchoir parfumé
au Mode 7, et « qui le ramassera obtiendra mes faveurs »... Salope.
Alors on se consolait comme on le pouvait, c'est à dire avec pas grand chose : notre bécane était là depuis plus longtemps, les jeux
plus nombreux, d'autant que moyennant l'adaptateur idoine, on pouvait passer les jeux Master System (la belle affaire), dessus. Nos exclusivités, quoi que datées pour certaines, étaient
impeccables, on avait encore l'avantage du prix, et puis le noir, c'est quand même une couleur plus sexy, non ? Et puis, et puis... Ah oui : notre Street Fighter II Turbo, peut-être bien qu'il
s'appelait pas Turbo, mais c'était tout comme, et on n'avait pas besoin d'une manip' à la gomme pour avoir les dix étoiles. Mais c'était un peu plus tard, ça, et fustiger les petites astuces nous
était interdit, parce que, comme je le disais, l'heure de la revanche avait d'ores et déjà sonné, et ce, par le truchement de l'une de ces astuces, un ABACABB en forme de coup de poing dans la
tronche des Nintendo-fans, le mouvement de doigts ultime qui nous envoyait tout droit dans les hautes sphères sanglante des jeux pour grandes personnes. Nous, notre Mortal Kombat, on l'avait
gore. Super gore. Et pas eux. (Et toc !)
Dracula disait: « le sang est la vie, et j'en ferai la mienne. » Il avait bien raison. Mortal Kombat fit sa carrière sur ce
simple artifice. Enfin, pas seulement. Au cas où il serait nécessaire de présenter ce jeu, et la mini-révolution qu'il représentait à sa sortie, « MK », comme on aimait à le surnommer,
était un jeu de bagarre en 2D surfant allègrement sur le succès phénoménal du hit de Capcom qu'on ne présentera plus, lui. Ce qui faisait l'une des deux « originalités » de cette borne
d'arcade, c'est tout d'abord qu'elle reprenait les choses dans la poubelle-même où Pit Fighter les avait balancées, à savoir l'emploi, en lieu et place des sprites classiques, de véritables
acteurs digitalisés, mais, cette fois, animés de façon correcte (c'est à dire qu'on a nettement moins l'impression d'avoir affaire à une armée de pingouins au balais très profondément enfoui dans
le fondement).
L'autre originalité, donc, c'était le gore. Pour être totalement honnête, Mortal Kombat n'est certes pas le premier jeu à verser dans
l'hémoglobine. Splatterhouse, c'était gore, par exemple. Halloween, sur Atari 2600, voyait Michael Myers faire jaillir le sang de la tête tranchée d'un pauvre môme (même dans les films, ça ne se
fait pas : on ne trucide pas un gosse à l'écran, ça n'existe pas). Idem pour Texas Chainsaw Massacre sur la même Atari, Leatherface faisait de la purée des innocents qu'il croisait, c'était même
le but du jeu. J'en oublie, à n'en pas douter. Oui mais dans le cas de Mortal Kombat, et je ne m'explique que comme cela le « choc » qu'il représentait, il s'agissait d'humains,
digitalisés, une sorte de film, on approchait un certain réalisme et l'on quittait donc la fantaisie pure. Une colonne vertébrale arrachée à un corps que le joueur est sommé d'achever (les fameux
« Fatalities »), c'est acceptable lorsque cela concerne un personnage absurde, mais si cet arrachement est subi à l'écran par un homme un vrai, là c'est autre chose, et c'est choquant
pour des parents bien intentionnés qui ne faisaient déjà qu'à moitié confiance à ces foutus jeux vidéo qui abîmaient la TV familiale et provoquaient des crises d'épilepsie photosensibles. Et puis
il y avait la faute d'orthographe du titre. Carrément trash, elle.
Donc, des gerbes de sang à chaque coup reçu en pleine figure, ou à chaque perforation de l'abdomen, des têtes qui tombent et des cœurs
dégoulinant, tout cela, on allait y avoir droit, sur Megadrive, pendant que chez Nintendo ils allaient devoir se contenter d'une vieille bave verdâtre et de fatalités édulcorées. Bon, dans un
soucis d'exactitude chronologique, tout cela n'allait pas de soi à la sortie du jeu. Cette histoire de mode sanglant ne fut révélée qu'un peu plus tard, et avant cela je me souviens avoir passé
un après-midi entier avec un ami à tenter désespérément de faire tomber notre adversaire dans ce fameux « Pit » hérissé de pieux mortels dans le stage du même nom, sur la seule foi
d'une photo glanée dans quelque revue oubliée où l'on voyait, effectivement, un foutu personnage empalé (une raison suffisante, à elle seule, pour acheter le jeu). Il est à noter que sur Super
NES et sa version censurée, il n'était besoin de nul code pour provoquer cette chute mortelle, c'était à n'y rien comprendre. Enfin... ABACABB, donc, à l'écran d'avertissement, et « get over
here! »
Au programme, sept personnages jouables, ce qui est peu en regard des standards modernes, et ce qui était déjà un peu juste face à son
célèbre concurrent que j'ai dit que je ne nommerai plus. Si leur design (peut-on encore parler de design, n'oublions pas qu'il y a de vrais gens, sous le costume) est différent (et encore, deux
d'entre eux sont les mêmes, à une couleur près), le moins que l'on puisse dire est que le gameplay ne varie pas énormément de l'un à l'autre. En effet, à l'exception de leurs coups spéciaux,
leurs mouvements sont strictement les mêmes. Le casting se compose donc de Bruce Lee (plus ou moins), de deux ninjas de carnaval, d'un gars en short, d'un... bandit humanoïde (merde, c'est
« quoi », en fait, Kano ?), d'un Dieu de l'orage pas plus fort que les autres personnages (et ça, je trouve que ça craint, pour un Dieu), et d'une femme, inévitablement, mais pas sexy
du tout, celle-là, histoire d'être original (franchement, quelqu'un a-t-il déjà fantasmé sur Sonya ? Vraiment ? Pfff, vous êtes vraiment malades, les mecs).
Les membres de cette équipe-là ont pour point commun d'être à peu près ridicules, si on y regarde bien, ce qui aurait dû suffire à interdire ne serait-ce que l'idée de tirer un film de ce bazar,
mais non, ça n'a pas suffi, et ceux qui se rendirent en salle obscure pour s'infliger l'adaptation cinoche témoigneront, le regard fou et la sueur au front, des raisons pour lesquelles non,
jamais il ne faut voir ce film (généralement, ce sont les mêmes masochistes qui, quelques mois plus tôt, s'étaient pourtant coltinés le film basé sur le jeu de combat de Capcom).
Si les coups de base ne varient pas, les coups spéciaux sont propres à chacun des protagonistes (et en l'écrivant je me dis que c'est
sans doute pour ça qu'ils sont dits « spéciaux »). Toutefois, ils ne font pas non plus dans l'originalité, puisque sur les deux spécialités dont chaque personnage est pourvu, l'une est
une projection lumineuse « à la Hadoken ». Seuls Sub Zero et Scorpion (qui sont les mêmes mais pas pareil) tirent ici leur épingle du jeu en proposant l'un une boule de givre
immobilisant, l'autre une sorte de harpon permettant de ramener à lui l'adversaire. A part ça, rien de bien original, certains coups étant même des reprises honteuses du jeu que vous savez. Non,
ce qui est vraiment intéressant, ce sont leurs fatalités, une par personne, chacune bien dégueulasse, sauf celle de Liu Kang (le Bruce Lee de service, donc), qui est un jeune homme raffiné et,
semble-t-il, le héros.
Pour ce qui concerne les décors, vous en dénombrerez six seulement (ce qui signifie que chaque personnage n'a pas son stage attitré), et tous empruntent plus ou moins leurs attributs aux clichés
des films de kung-fu. A titre personnel, je trouve qu'ils manquent tous du plus élémentaire caractère, le seul présentant un véritable intérêt étant The Pit, que j'ai évoqué plus haut, dans
lequel vous vous battrez de nuit sur un pont étroit, le vide de part et d'autre de celui-ci, et la perspective d'une chute mortelle en cas de défaite. Rudimentaire, mais rudement
efficace.
Le déroulement du jeu est tout à fait classique dans sa première partie, à savoir que vous affronterez un à un chacun des personnages,
jusqu'à vous-même, tout ceci entre-coupé de bonus stages où il s'agira de casser des matériaux (bois, acier, etc), à main nue. Là où ça se corse, c'est qu'il faudra ensuite subir des combats
d'endurance (trois, en deux manches gagnantes évidemment) consistant en la succession de deux adversaires par round, avec, bien entendu, une seule barre de vie par reprise. C'est seulement à
l'issue de votre succès lors cette triple épreuve que vous aurez l'honneur, et le privilège de combattre le sous-boss de Mortal Kombat, le gigantesque Goro. J'ai toujours aimé Goro. Muni de
quatre bras et d'un gabarit à faire rougir David Douillet, il est le véritable méchant charismatique du jeu, et aurait largement mérité d'être un peu plus élaboré dans ses mouvements (avec quatre
mains, il me semble qu'il doit exister de multiples choses dégoûtantes à faire à son adversaire). Et pourtant ce n'est pas lui que vous aurez à affronter en dernier, mais Shang Tsung, une sorte
de sorcier maléfique qui glisse au lieu de marcher, et qui dispose d'un seul coup: des boules de feu, mais peut se transformer (et il en use, le saligaud) en chacun des huit participants (sept +
Goro) en un clin d’œil. Admirez l'astuce : vous êtes déjà à court de vos maigres idées pour créer un ultime personnage? Inventez-en un qui n'est qu'une compilation de tous les autres. Bien joué
les gars.
Pour être tout à fait complet, il existe un dernier protagoniste, dont l'apparition est conditionnée par une double « Flawless Victory » (d'autres appellent ça un « Perfect »)
et une fatalité lors du stage The Pit... Et par autre chose, dont je dois admettre ne plus me souvenir, je compte sur vous pour rétablir la vérité dans son intégralité. Toujours est-il que
Reptile, c'est son petit nom, viendra régulièrement avant un round vous dispenser de précieux indices pour le moins cryptés sur la façon de l'atteindre. Une nouvelle fois, on sent les trésors
d'imagination déployés par les programmateurs et mis à l’œuvre lors de la réalisation de ce petit bonhomme: Reptile est le même ninja que le bleu Sub Zero et le jaune Scorpion, strictement, sauf
que lui est vert (bleu + jaune = vert, là encore on est allé chercher très loin).
Tel est Mortal Kombat, le jeu, de façon générique, mais que donne vraiment son portage sur Megadrive, puisque c'est quand même de cela
que j'étais venu vous parler, à la base? Eh bien, je vous ai entretenu de la possibilité de tartiner de rouge hémoglobine ce qui demeure un jeu de castagne en 2D plutôt banal sans cet artifice,
et, il faut l'admettre, heureusement qu'il y a cette possibilité. Lors de sa sortie, il y eut des gens pour raconter que la Megadrive était poussée dans ses ultimes retranchements pour afficher
toutes ces digitalisations. Heureusement que sa suite (le pertinemment intitulé Mortal Kombat II), comme bien d'autres jeux ultérieurs, allaient prouver le contraire, parce que tout cela n'est
vraiment pas très beau, c'est le moins que l'on puisse dire. Combien plus belles étaient les textures de la version Super Nintendo... Combien mieux choisies en étaient les couleurs... Bon,
peut-être l'animation est-elle un chouilla plus rapide sur ma chère Megadrive (50Hz, pourtant), toutefois. Mais, si on lui inflige l'affront de coller dos à dos les deux versions, c'est le KO
technique pour la perle noire de Sega.
Mon Dieu, ça y est, je l'ai dit, je me souviens d'un temps où il aurait fallu me torturer pour un tel aveu. Pas très beau avec le recul, certes, mais la digitalisation excusait bien des choses à
l'époque, puisque les références manquaient dans le domaine (j'ai cité Pit Fighter, et il n'était pas difficile de faire mieux), et si l'on renonçait à aller voir du côté de la concurrence, on
était quand même devant quelque chose au goût de jamais vu. Un détail, mais tous les détails comptent, les ombres des personnages, digitalisées elles aussi, sont très précises.
Du côté de l'animation, c'est suffisamment fluide et rapide, mais largement perfectible. La maniabilité, pour fidèle qu'elle est à la
borne d'arcade originelle, souffre des mêmes défauts. A l'époque, et surtout parce que l'on avait été habitués par de multiples parties d'un célèbre jeu de bagarre de rue dont le second épisode
était une référence, pour bloquer un coup, on recule. Eh bien pas ici : pour bloquer, on appuie sur un bouton. Aujourd'hui, c'est un détail, ça n'est même pas notable, mais à l'époque, c'était
tout un travail de reconditionnement à effectuer, et je me demande encore aujourd'hui quelle idée leur est passée par la tête, aux programmeurs. Dans un jeu en 3D, « reculer » est un
concept différent, il varie selon la position de la caméra, il y a d'autres repères, et alors je comprends qu'il ait fallu avoir recours à un bouton spécifique pour se mettre en défense. Mais en
2D ? L'adversaire est ou devant ou derrière vous, donc pour parer, le plus instinctif est un mouvement de recul, où était le problème ? J'y ai beaucoup réfléchi, et je crois que la seule raison
de cet asticotage de mouche était le désir de se démarquer à tout prix de l'autre licence connue, même si pour cela il faut sombrer ponctuellement dans la connerie absolue. Mais si l'on y songe,
c'est d'autant plus absurde sur Megadrive, dont le pad n'est doté, pour rappel, que de quatre boutons, Start inclus, et que le jeu en nécessite cinq, défense incluse.
Autre détail qui m'a toujours gêné, c'est la gestion des sauts. Je ne compte plus le nombre de fois où mon saut agrémenté d'un coup de pied m'a fait atterrir derrière mon opposant sans le
toucher. Il faut vraiment être suffisamment loin de lui avant de tenter ce genre de chose, parce que seuls les pieds portent le coup, soit l'extrémité de votre personnage, là où habituellement,
l'adversaire est considéré comme touché à partir du moment où votre corps entre en contact avec le sien. Croyez-moi, c'est très énervant. Le son, enfin, est plutôt bon. Les voix sont bien
restituées et dynamiques, et quant aux musiques, encore une fois les limitations de la console ont été contournées par des réorchestrations malignes pour un résultat final du plus bel
effet.
Que les choses soient bien claires, Mortal Kombat sur Megadrive est un bon jeu, et l'une des meilleures adaptations de jeu d'arcade qui
soit. Son principal défaut n'est pas le sien mais bien celui de la borne dont il est l'adaptation: Mortal Kombat, malgré le sang, malgré les digitalisations, et pour honnête qu'il soit, reste un
ersatz du fameux hit dont le second opus connaîtra de multiples variantes, aux coups limités et à la personnalité encore mal affirmée. Pour autant, cette version 16 bits de Sega n'est pas exempte
de défauts qui lui sont propres, et ils concernent tous sa réalisation technique. Et tout particulièrement le fait qu'en regard des possibilités de la console, que l'on appréhende aujourd'hui
bien mieux, le recul aidant, ce jeu aurait pu être plus soigné, esthétiquement.
Mais avec le recul, comment veux-tu, oui, comment veux-tu, que je t'... explique à quel point la lutte de pouvoir entre Sega et
Nintendo sur le marché des 16 bits avait soudain, et cela dura quelques semaines (tout au plus quelques mois), pris une tournure savoureuse pour les amoureux de la Megadrive, qui se voyaient
ainsi légitimés dans leur affection par leur tout nouveau statut (tout relatif) de joueurs matures face aux bambins d'en face. Eux et nous étions différents, sur deux planètes distinctes, et
donc, et cela faisait bien nos affaires, incomparables. Mon Dieu que tout cela était puéril... Il n'empêche, depuis 1993, et ce pour la postérité...
ABACABB dans vos gueules, les Nintendo-fans!
SUPPOS : 4.5/6