[MICRO 16BIT] L'ATARI ST, LE JACKINTOSH
Si la France à connu une belle histoire d'amour avec l'Amstrad CPC, elle en a connu ensuite une autre avec encore plus de bits.. avec l'Atari ST. Retour sur l'histoire du Jackintosh !
LE JACKINTOSH
En Janvier 1984 Jack Tramiel, fondateur de Commodore, qui distribue la star de la micro 8bit (le Commodore 64), est remercié par son conseil d'administration. Il est notamment jugé un peu trop envahissant en nommant son fiston à un poste clef.
En Juillet de la même année, l'invraisemblable se passe : Jack passe chez l'ennemi en rachetant Atari, alors en difficulté, pour 240 millions de $. Il veut relancer la firme mythique et arrive avec son nouveau projet d'ordinateur 16/32 bits "ST". ST signifie en fait Sixteen/Thirty-Two (16/32 bits) mais c'est également les initiales d'un des fils de Jack Tramiel : Sam Tramiel ! Ils ont le melon les Tramiel !
Le but de Atari devient alors de copier le Macintosh pour beaucoup moins cher, les ordinateurs 16/32 bits et les systèmes d'exploitation graphique semblant représenter l'avenir. « The Power without the Price » sera le slogan de Atari face à Apple ! Nous ne sommes pas alors dans un esprit vidéoludique. D'ailleurs à son annonce on se demande même si ce n'est pas purement une machine "professionnelle". Ca fait un peu bizarre, car Atari reste lié aux jeux d'arcade, aux consoles et aux cartouches de jeu.
LE TRAMIEL OPERATING SYSTEM
Fini le simple affichage du basic à l'allumage de votre ordinateur, c'est la révolution de l'OS graphique comme sur le Mac. Le système d'exploitation de Atari se nommera TOS, pour Tramiel Operating System (des modestes les Tramiel je vous le confirme !). Le TOS est en fait un dérivé du GEM, système d'exploitation avec fenêtres et souris créé par Digital Research pour PC. Un OS que Apple réussit à faire interdire pour des histoires bidon de copie d'icône poubelle... A cette époque Apple et Microsoft travaillaient encore main dans la main pour éliminer la concurrence.
Le fameux fond vert du GEM !
A noter que les frères Tramiel rencontreront à plusieurs reprises Microsoft dans le but d'implanter éventuellement Windows dans le ST ! Je n'ose imaginer Windows à l'allumage du ST ! Just be afraid.
LES PREMIERES MACHINES
Le ST a été conçu par Shiraz Shivji et produit à partir de 1985. Il est équipé du processeur 16/32 bits MC68000 Motorola 8Mhz. Au départ la gamme se décompose en 4 modèles : le 130 ST (je crois jamais mis en vente), le 260ST, le 520 ST et le 520 ST+, en fonction de la RAM embarquée (128, 256, 512Ko ou 1 Méga). Des capacités de RAM qui font rêver à l'époque (encore dominée par les 8 bits limités à 64Ko !). Le système d'exploitation TOS n'était pas en mémoire ROM mais sur disquette (aie!). L'alimentation et le lecteur de disquette étaient en externe.
L'Atari 260ST
La machine coûte cher, environ 10 000 francs à l'époque... plusieurs SMICs ! Même si c'est beaucoup moins cher que le Mac du fou furieux Steve Jobs. Aussi l'alimentation externe + lecteur externe + OS sur disquette ne font pas très sérieux. Atari va devoir revoir sa copie si il veut s'imposer.
L'ATARI 520 STF, LA STAR
Fin 1986 Atari revoit toute sa gamme et sort le 520 STF, avec un "F" pour "Floppy". C'est toujours un 520 ST mais avec les périphériques rassemblées dans le même boîtier (lecteur de disquette et alimentation) + un système d'exploitation en ROM. Le même modelé avec 1Mo de RAM se nommera le 1040STF. Aussi les lecteurs de disquettes simple face (360 ko) seront progressivement remplacés par des doubles face (720 ko) en 1987.
L'atari STF avec son moniteur
Le lecteur 3.5 pouces intégré
A noter deux ports manettes très mal placés sous le clavier, d'autant que la souris utilise un de ces ports. Par contre gros avantage : les prises MIDI ! On se demande alors si il était indispensable de disposer de ces ports en standard, car ça n'intéressait que les musiciens ! Ca serait au final un bel avantage.
Les prises MIDI, une bénédiction pour les musiciens !
Malgré toutes ces améliorations, les prix chutent de manière hyper spectaculaires en une année ! Fin 1987 l'Atari 520STF ne coûte plus que 2990 F en France ! Surement le meilleur rapport qualité/prix de l'histoire de la micro-informatique ! Cet ordinateur encore considéré comme totalement inaccessible à peine 2 ans avant devient une machine grand public.
Un prix canon qui va lui assurer un très gros succès.... en France. Chez les fromages qui puent l'Atari ST rivalise alors avec la star de l'époque : l'Amstrad CPC 6128 (curieusement Amstrad ne se décidera pas à sortir de 16/32 bits). L'Atari deviendra à la fin des années 80 et début 90 l'ordinateur le plus vendu en France, même devant le gros concurrent Amiga.
UN FLOP AUX USA
Malgré un bon succès en Europe, Atari n'arrive pas à s'imposer aux USA. Atari reste là bas lié au jeu vidéo dans les esprits, et au crash de fin 1983. Et le Commodore 64 a connu un tel succès là bas qu'il concurrence encore sans problème les 16bit. Aussi ils se tourneront plutôt vers l'Amiga de Commodore. Mais les ventes d'Amiga ne sont malgré tout pas exceptionnelles, l'Américain a déjà compris à la fin des années 80 que le PC c'est l'avenir.
LA REVOLUTION 16/32 BITS
Il faut bien se replacer à l'époque. Passer d'un micro 8 bit avec 48 ou 64ko et un écran basic à l'allumage vers un puissant 16/32 bits à 8Mhz avec 8 ou 16 fois plus de mémoire, avec un OS graphique, un lecteur de disquette 720Ko, était une révolution, un choc technologique. De plus les 8 bits étaient quasiment réduits à une utilisation ludique. Avec le ST la bureautique rentre réellement dans les foyers, avec des applications sérieuses et efficaces, et aussi grâce au fameux écran monochrome de 640x400 pixels. La PAO devient accessible à tous !
A noter qu'il n'y a plus de langage basic intégré en ROM, celui fourni avec l'ordinateur sur disquette était très moyen, voire nul. Par contre sortira très rapidement le fameux GFA Basic, un basic structuré fabuleux, mélange de basic, C et assembleur, qui fera le bonheur des programmeurs !
Le GFA Basic
AMIGA C'EST GAGA
La fameuse guerre ST-Amiga ! Elle fait encore rage 35 ans après sur les forums de Gamopat, c'est dire ! Elle fut aussi bien alimentée par le magazine Micro News. L'arrivée en 1987 de l'Amiga 500 déclenche une guerre sans précédant auprès des utilisateurs. D'un côté l'Atari ST, bon marché, doué en bureautique, en musique, et finalement assez doué pour le jeu face à l'Amiga, plus cher, mais très doué pour le jeu vidéo grace à ses coprocesseurs de qualité. En France ce n'est qu'à partir de 91 que l'Amiga 500 prendra le dessus... mais l'ère 16-32bit touche de toute façon à sa fin.
Qui a gagné ? Personne. Chaque machine avait ses avantages. Perso, je préférais l'Atari ST de très loin. Pourquoi ? C'était un vrai ordinateur, simple d'utilisation, avec l'OS en ROM, capable de tout faire... face à un Amiga 500 qui certes proposait de beaux jeux, mais qui était avant tout une console à disquettes, sauf à le suréquiper en RAM et 2eme lecteur/ou disque dur. A la base l'Amiga 500 était une coquille vide, et les jeux d'arcade, certes bien plus beaux que sur ST, n'égalaient de toute façon pas ceux de la Megadrive ou de la PC Engine...voire n'égalaient pas en terme de gameplay ceux de la Nes ou de la Master System. Je me suis emmerdé sévère sur Amiga. Ceci n'engage que mon expérience personnelle.
FICHE TECHNIQUE DE l'ATARI STF
Processeur : Motorola 68000 à 8Mhz,
256ko de ROM,
512 ou 1024Ko de RAM,
320x200 16 couleurs parmi 512, 640x200 4 couleurs, 640x400 2 couleurs,
Chipset sonore Yamaha YM2149 (3 voies)
Interface graphique GEM,
Lecteur 3,5 pouces simple ou double face
Les avantages de l'Atari STF : le GEM intégré en ROM (interface disponible dès l'allumage, énorme avantage face à l'Amiga), les applications sérieuses, les ports MIDI, les jeux révolutionnaires entre 86 et 87, le prix révolutionnaire de l'Atari 520STF en 1987, l'arrivée du GFA Basic. Un ordinateur cohérent et complet.
Les défauts : des capacités graphiques et sonores moyennes pour le jeu vidéo (mais compensées par la puissance du 68000). Les ports joystick mal placés. La souris de conception assez moyenne. Et pour moi un réel défaut : pas de basic en ROM.
L'ATARI STE
Je suis allé jusque 1991-1992 sans vous préciser que fin 1989 Atari a upgradé son STF afin de faire face au méchant Amiga 500. En effet Atari sortira le 520 STE (et 1040 STE), version améliorée du STF : son DMA amélioré, 4096 couleurs au lieu de 512 (toujours que 16 couleurs à la fois hélas), un BLITTER graphique (qui accélère l'affichage) et une mémoire vive extensible facilement (SIMM ou SIP) jusqu'à 4 Mo. C'est sympa mais hélas c'est un poil timide... et surtout : le prix ! La machine sort à plus de 3000F, soit plus cher qu'en 1987 ! Là on ne comprend pas.
On aurait aimé voir cette machine en 1988, ou alors la voir équipée d'un processeur 68000 8-16Mhz comme sur le Mega STE, ou alors d'un 68020. Mais les points noirs sont les suivants : Très peu de jeux exploiteront les nouvelles capacités de la machine (comme toujours les dév' privilégient la machine de base), et surtout elle pose des problèmes de compatibilité STF ! Franchement perso, ça m'a refroidit.
Mais Commodore ne fera pas mieux avec sa gamme bidon 500+ & 600, et son 1200 bien trop tardif. Les PC 386 et 486 pointent le bout de leur nez au début des années 90 et ni Atari, ni Commodore, ne pourront lutter contre la standardisation du marché. L'Atari ST et l'Amiga 500 resteront comme une belle parenthèse, entre la micro 8bit folle des années 80-86 et le PC.
LES JEUX CULTES SUR ATARI ST
Le catalogue de jeux de l'Atari ST est vaste et variée. Cet ordinateur verra naitre de nouvelles générations de jeux comme Dungeon Master, un jeu de rôle révolutionnaire tout à la souris, ou Carrier Command, le premier jeu d'envergure en 3D pleine (hyper impressionnant à sa sortie). La période 1987-1989 sera vraiment fabuleuse et je vais me focaliser dessus pour pour lister quelques jeux :
Beaucoup de jeux d'aventure point'n click qui révolutionnent le genre : King Quest, Space Quest, Leisure Suit Larry, etc... sans oublier le premier jeu parlant : Le fameux Manoir de Mortevielle !
On est obligé de parler de Kick Off qui est né sur Atari ST et deviendra un jeu de football cultissime ! Et pourtant il ne paye pas de mine avec ses sprites ridicules et de simples lignes pour décors ! Cependant son gameplay est exceptionnel et tous les coups du football sont possibles avec un seul bouton de tir !
De gros titres seront portés sur Atari ST, comme le Sundog de l'Apple 2, fabuleux jeu d'aventure SF, ou Flight Simulator 2 le célèbre simulateur de vol. Silent Service ou Leader Board sont également de beaux portages 8>16bit.
En jeux d'action citons Buggy Boy, adaptation génial du jeu d'arcade, Speedball 1 et 2, Xenon 1 et 2, les fameux Bubble Bobble & Rainbow Islands tous deux proches de la perfection.
Du côté des simulations 3D il faut citer Starglider 2, Falcon, Stunt Car Racer le fabuleux jeu de cascade/arcade... et je citerai également Elite Frontier (même il ne rentre pas dans mes critères de période, le jeu étant sorti très très tard) car c'est une référence absolue, le jeu servant souvent de benchmark sur ST ou Amiga. En matière de 3D le ST n'avait en fait rien à envier à l'Amiga, il était même un poil plus rapide.
Le problème de l'Atari ST venait des adaptations arcade de jeux à scrollings et aux animations complexes. Celui ci n'était pas trop doué dans ce domaine. Ceci rendra certaines adaptations très moyennes face à un Amiga bien plus à son aise avec ses copro. Si on était un pur fan d'arcade, il était préférable d'avoir un Amiga.
Carrier Command, il révolutionne les jeux 3D de stratégie en temps réel sur ordinateur !
Dungeon Master, le choc à sa sortie, il redéfini le jeu de rôle ! Avec une fabubeuse gestion du jeu entièrement à la souris.
Kick Off, des graphismes basic, mais un jeu de foot révolutionnaire au gameplay étonnant !
Buggy Boy, fabuleux jeu d'arcade !
Le manoir de Mortevieille, jeu avec synthèse vocale !
Stunt Car Racer, la 3D semble ridicule aujourd'hui, mais à l'époque l'immersion est totale !
Space Quest II, l'un des fameux point'n click de Sierra !
LES AUTRES ORDINATEURS DE ATARI... ET LA FIN
Cet article est dédié au ST, mais parlons rapidement des autres ordinateurs de la gamme. Atari tentera de produire quelques dérivés de l'Atari ST : des ordinateurs orientés semi-pro, pro, avec le MEGA ST, le MEGA STE et le TT, mais aussi des ST portables : le Stacy et le ST book (des objets collector aujourd'hui !). Trop de modèles ? Un Atari perdu entre les ordinateurs familiaux et modèles semi-pro ? Sans trop de vision d'avenir ? Avec une famille Tramiel un peu dépassée ?
J'adore perso le Mega STE, c'est en quelque sorte l'Atari ST ultime : les capacité du STE, le boost à 16Mhz, le cache, jusque 4Mo de RAM, le disque dur, le clavier classe... Une belle pièce de collection, mais aujourd'hui difficile à trouver.
Avec la fin de la gamme ST, Atari tentera de se relancer en 1993 avec le Falcon 030, très prometteur, qui arrivera tardivement, pas vraiment terminé, et très partiellement compatible avec la gamme ST. Tout ceci est vraiment trop brouillon... il est de toute façon déjà trop tard, le PC a gagné.
Le megaST, le TT, Le Stacy
Le Falcon 030
Atari devra alors lâcher la "micro". La micro est de toute façon morte. Atari reviendra alors à ses premiers amours : les consoles de jeux (qui connaissent un gros succès avec la Megadrive et la Super Nes). En 1996, après l'échec complet de sa console Jaguar, Atari jette l'éponge. La société JTS (fabricant de disques durs) rachète la firme. En 1998 Hasbro Interactive rachète Atari à JTS. Puis Infogrames rachètera le nom Atari pour vendre ses jeux aux USA sous ce label... Ensuite j'ai lâché le suivi ! Aujourd'hui Atari ne ressemble plus à rien, si ce n'est à une petite société US qui tente de produire quelques jeux et consoles néo-rétro.
Atari aura marqué l'histoire avec Pong et ses bornes d'arcade, avec sa console de salon VCS/2600, puis avec ses ordinateurs : les fabuleux Atari 8bit en avance sur leur temps, puis enfin l'incroyable ST, le Jackintosh de 1985, qui deviendra un ordinateur "familial" très rapidement. Que de souvenirs incroyables sur cette machine, la découverte de l'OS graphique, de la souris, de jeux jamais vus (comme Dungeon Master, ou les jeux en 3D pleine), du GFA basic, des applications sérieuses qui ne sont alors plus des gadgets comme sur 8bit : traitement de texte, tableur, PAO... Un vrai ordinateur complet, le premier vrai micro-ordinateur multi-usages.
Article mis à jour le 29/12/2020