[DOSSIER] Phantasy Star sur Master System
En 1987 malgré tous les efforts consentis sur ses consoles SG-1000 puis MARK III (Master system en occident), Sega ne parvient pas à ébranler l'hégémonie de Nintendo dans le domaine du jeu vidéo domestique au Japon. Sega demande alors une expertise auprès d'analystes du jeu vidéo qui pointent notamment l'absence de RPG du calibre d'un Dragon Quest et de jeux exclusifs ambitieux (Sega se contentant de recycler ses jeux d'arcade).
En effet en 1986, sur Famicom, la console du concurrent Nintendo, Dragon Quest a été un véritable phénomène de société au Pays du Soleil Levant se vendant à 1,3 millions d'exemplaires. Dragon Quest II sorti en janvier 1987 fera encore mieux et s'écoulera à 2,4 millions de copies !
Sega décide de répliquer sur MARK III en sortant un RPG qui imitera les recettes du RPG d'Enix sur Famicom tout en s'efforçant de se démarquer pour proposer plus, mieux et différent. Ce RPG ce sera Phantasy Star. Pour ce faire Sega va réunir une équipe brillante au sein de la RD4 qui formera plus tard le noyau de la Sonic Team avec notamment Kotaro Hayashida (Alex KIDD) à la coordination, Yuji Naka à la programmation et une femme Rieko Kodama au design.
Phantasy Star sortira le 20 décembre 1987 dans l'archipel nippon, deux jours à peine après un certain... Final Fantasy.
Un RPG de Space Fantasy :
La philosophie de Sega est de sortir des sentiers battus. Là où Dragon Quest propose un RPG classique mais simplifié et revu à la sauce Manga, Phantasy Star va explorer la voie du Space Opera et de la Space Fantasy .
Le Space Opéra est né aux Etats-unis dans les années 30 avec les romans du père de Tarzan, Edgar Rice Burroughs, transposant l'univers des romans de cape et d'épées dans d'autres planètes. Ce courant cultivant le merveilleux pour le merveilleux vivra en marge de la SF classique plus scientifique et donnera naissance à la Space Fantasy (Jack VANCE, Poul ANDERSON) où la technologie la plus avancée côtoie la sorcellerie et un univers médiéval. La SF japonaise de son coté adore mélanger les influences, les époques et les cultures, Buichi Terasawa le père de Cobra Space adventure, parlera d'« era mixing » et de « culture mixing » un peu comme dans la guerre des étoiles où des sabres et les vêtements type kimono de Luke font bon ménage avec les tresses de Guenièvre de la Princesse Leïa et le voyage dans l'espace.
C'est cette voie que suivra Phantasy Star mêlant magie, archaïsme, "sense of wonder", technologie et mégalopoles futuristes reliées par des tapis roulants, spatioports, armes sophistiquées et véhicules évolués. Le jeu est un formidable brassage d'influences avec de nombreux clins d'oeil aux films et à la littérature de SF : les Robotcops ressemblant aux Shock Troopers du film de George Lucas, certains ennemis sont inspirés des Jawas de Tatouine, les vers des sables de la planète Motavia semblent tout droit sortis du film Dune, etc…
Phantasy Star dans son époque :
Le gameplay de Phantasy Star est clairement inspiré (comme Dragon Quest) par Ultima III un jeu américain sorti en 1983 sur micro-ordinateurs occidentaux (Apple II, C64, Atari 800) dans la lignée du seigneur des anneaux de Tolkien et du jeu de Rôle Donjons & Dragons. Phantasy Star adoptera la vue de dessus sur la carte du monde et la vue subjective 3D dans les donjons d'Ultima III, le combat au tour par tour, la magie, les caractéristiques, les points d'expérience etc... Les combats avec les monstres vus de face ressemblent à ceux de Dragon Quest hérités de Wizardry à cette différence près que les sprites des monstres ont une taille inédite pour l'époque et que les attaques de ceux-ci sont animées de fort belle manière. Les déplacements sur la carte du monde s'effectuent avec la chaine de personnages se suivant à la file indienne héritée de Dragon Quest II.
Dragon Quest codifiera le RPG nippon. Il se voudra plus simple, plus facile d'accès, plus jouable que le RPG occidental mais disposait d'une carte trop petite, le jeu étant trop court. C'est pourquoi dès janvier 1987 Enix sortira Dragon Quest 2 avec une carte immense et même un bateau permettant d'explorer les mers et les continents en remontant les rivières...
La course à la surenchère est ouverte… Final Fantasy sorti le 18 décembre 1987 proposera encore plus de véhicules dont un aéroplane, transporte ses héros dans un château flottant dans les airs et s'essaie au voyage dans le temps. Dès lors Phantasy Star (sorti le 20 décembre 1987) se devait de faire encore plus fort, proposant de voyager dans l'espace (d'abord sur les lignes régulières puis avec son propre vaisseau), et d'utiliser des armes très variées (dont des armes lasers) et un grand nombre de véhicules (hovercraft, Landrover, brise glace...)…
Pour se démarquer outre le choix de la space fantasy, des donjons en 3D, de l'animation de monstres énormes lors des combats, le personnage principal est une femme ce qui est loin d'être anodin dans un RPG (probablement que la présence de Rieko Kodama dans l'équipe a joué ?).
Au final Dragon Quest 2, Final Fantasy et Phantasy Star, tous sortis en 1987, sont excellents mais ma préférence va quand même au RPG de Sega plus beau et plus original.
L'histoire :
L'histoire de Phantasy Star se déroule au 342ème siècle spatial dans le système solaire d'Algol situé aux confins de la galaxie d'Andromède, composé des planètes Palma (verdoyante), Motavia (Désertique) et Dezoris (glaciaire). La paix, la sécurité et la prospérité de l'Empire sont menacées depuis que le Roi Lassic, tombé sous la coupe de Dark Falz (une entité malfaisante) et de ses prêtres, s'est converti à une nouvelle secte promettant l'éternité. Le chaos et le déclin s'installent. On incarne le rôle d'Alis Landale, une jeune fille, dont le frère, Nero, vient d'être abattu par les Robotcops de Lassic pour être venu renifler de trop près dans ses affaires. Pour se venger Alis va tout d'abord devoir réunir une équipe…
Le Gameplay :
Phantasy Star a beau être un jeu de Space Opéra, tout comme Dragon Quest et Final Fantasy il est marqué par l'Héroïc Fantasy du Seigneur des anneaux de Tolkien et Donjons & Dragons. On combat pour avoir les trésors et l'expérience qui permettront d'affronter des monstres encore plus puissants, etc...
Ainsi Phantasy Star met en scène une société manichéenne entre le bien et le mal d'inspiration moyenâgeuse dominée par une caste aux pouvoirs magiques. D'où des sorts de magie, des points de magie lors des combats etc... Les ennemis sont tirés de la SF (Robots, insectes géants) mais aussi du folklore (Zombies, Vampires), de la mythologie (Méduse) et des contes de fées (Dragons). Le bestiaire est particulièrement soigné, varié et impressionnant.
Le thème structurant est la quête et la pérégrination. Alis une faible femme désemparée au départ mais loin des femmes potiches sexys habituelles du genre du Space Opéra, jure de venger son frère et va connaître une quête initiatique d'une rare intensité. Alis va devoir monter en expérience, gagner de l'argent et s'équiper dans les boutiques des villes puis réunir une équipe composée d'Odin une sorte de Rambo utilisant de pistolasers, Myau un chat parlant aux pouvoirs magiques et Noah un magicien.
Contrairement aux RPG de couloirs modernes, Phantasy Star (comme les premiers Final Fantasy ou Dragon quest) s'apparente plutôt à un jeu de piste occasionnant de nombreux aller/retours villages/donjons/planètes. On doit collecter des renseignements un peu partout (on peut même parler aux monstres en court de combat) pour dénicher aux quatre coins de la carte et du système solaire les objets essentiels qui permettront de faire aboutir la quête.
L'un des aspects les plus plaisants de Phantasy Star sont les donjons 3D en vue subjective qui mettent l'accent sur la notion d'exploration comme dans les dungons crawlers (ou D-RPG) type Wizardry. Du reste Sega se fera une spécialité plus tard du D-RPG de qualité avec Shining in the Darkness (Megadrive) et Shining the Holy Ark (Saturn).
Une vitrine technologique de la Master System:
Phantasy Star est un jeu qui exploite bien les capacités de la Master System graphiquement. Il fait partie de ce qui se fait de mieux sur cette machine. Le design des monstres est particulièrement abouti, les combats sont agrémentés d'animations, le jeu est beau et coloré, le défilement fluide des couloirs modélisés en 3D dans les donjons a fait le bonheur des Segaïstes en son temps...
En revanche le son pâtit du mauvais processeur sonore de la Master System. Si les compositions musicales sont très réussies il est dommage que la console ne restitue que des sons stridents alors qu'au Japon on pouvait apprécier ces mélodies à leur juste valeur grâce au module FM...
Phantasy Star en France :
Si le jeu est passé à peu près inaperçu à sa sortie en France, le jeu a été un énorme choc pour tous ceux qui s'y sont essayés à l'époque. Tout d'abord c'était la première cartouche de 4mégas (512 Ko), un record absolu en 1988 avec une pile de sauvegarde. Et puis c'était le premier gros RPG japonais au tour par tour à sortir officiellement en France.
Alors que sur la Nes les joueurs français n'ont jamais vu Dragon Quest et Final Fantasy arriver et qu'en général il fallait des années pour voir les gros jeux de la Nes sortir dans l'hexagone, Phantasy Star était disponible pour Noël 1988 en France soit moins d'un an après sa sortie japonaise.
Jusqu'à ce que Phantasy Star sorte, pour jouer à ce type de jeu il fallait un micro-ordinateur avec un lecteur de disquettes hors de prix … Et en plus le jeu de Sega était plus beau, plus ambitieux plus agréable à utiliser… Bref le bonheur absolu !!!
A noter que le jeu est sorti en anglais mais a désormais eu les honneurs d'une Fantrad en français fonctionnant avec le son FM :
http://traf.romhack.org/index.php?p=patchs&pid=930
Remakes :
Phantasy Star a été réédité au Japon sur Megadrive et sur Saturn dans la compilation Phantasy Star Collection. Il est également présent dans l'excellente compilation Phantasy Star Collection sur Game boy Advance qui comprend Phantasy Star 1, 2 et 3 dans leur version originale. Il est aussi présent sur la console virtuelle de la Wii.
Le jeu a connu un remake dans la compilation Sega Ages sur PS2 sortie uniquement au pays du soleil levant où le jeu a connu un lifting graphique et sonore ainsi que de nombreuses nouveautés comme un automap dans les donjons. Ce remake de Phantasy Star sur PS2 s'est heureusement vu offrir une fantrad en anglais.
Phantasy star n'a pas été un succès au Japon et n'a pas permis à la MARK III de se refaire une santé, cependant c'est un joyau absolu de la Master System dont toutes les facettes brillent de mille feux (musiques, graphismes, gameplay, aventure…). C'est un vrai morceau d'histoire que je ne peux que conseiller de découvrir ou redécouvrir notamment dans la compilation Phantasy Star Collection sur GBA…
SUPPOS : 5/6
SOURCES :
- Manuel de Phantasy star collection (GBA)
- Pix'n'Love n°17 : article Phantasy star
- IG Magazine hors série n°6 : Sega de constructeur de consoles à éditeur de jeux
- Rétro Game Magazine n°2 : L'histoire de la Master System