[RETROGAMING] Galaga 88 / Arcade
Héritier d'une longue généalogie de jeux cultes, Galaga 88 (sorti en 1987) revisite le genre avec éclat, 9 ans après la sortie de Space invaders et 6 ans après la sortie de Galaga, sans en
dénaturer l'esprit.
Généalogie de Galaga 88
Galaga 88 est le lointain descendant de Space Invaders. Armé d'un canon situé en bas de l'écran sur un écran fixe, le joueur doit
blaster des aliens belliqueux qui descendent inexorablement vers le bas de l'écran. Galaga 88 est le quatrième épisode de la série initiée par Galaxian (suivi de Galaga et Gaplus ) de la firme
Namco pour concurrencer le Space Invaders de Taito.
Dans les années 70, l'arrivée de Space Invaders dans les cafés et les salles de jeu fait l'effet d'une bombe atomique.
Jusqu'alors les jeux vidéos étaient vus comme des variantes inoffensives des jeux de société portées sur un écran. Tout à coup, Space Invaders consacre la révolte de la machine contre son
créateur. En effet, Space Invaders propose un combat de l'homme contre l'intelligence artificielle d'une machine qui dirige des hordes d'aliens prédateurs de l'espèce humaine. Fini le temps des
jeux aimables, ici le joueur est le dernier recours de l'humanité contre une invasion extra-terrestre qu'il doit, coûte que coûte, empêcher de prendre pied sur notre planète sous peine
d'extinction.
Le jeu de Taito est un succès mondial et un véritable phénomène de société provoquant même la pénurie de pièces de 100 yens au Japon.
En outre, c'est un jeu dans l'air du temps puisque la SF et les extra-terrestres triomphent dans la culture populaire avec la sortie récente de Star Wars. De même, tout ce qui est électronique
fait fureur, la calculatrice électronique devenue bon marché se diffuse massivement et les sons électroniques envahissent la musique via la disco et la synth pop de Kraftwerk et Giorgio
Moroder...
Évidemment, devant un tel succès la concurrence réagit aussitôt et ne tarde pas à sortir ses propres versions clonées et améliorées de
Space Invaders.
Ainsi, Namco propose dès 1979 un des clones les plus appréciés de Space Invaders : Galaxian. Galaxian est plus beau,
plus coloré, dispose de sons incroyables pour l'époque. Par ailleurs les déplacements des aliens assez rudimentaires dans Space Invaders sont beaucoup plus élaborés dans Galaxian, avec des
commandos Galaxians attaquant en piqué.
En 1981, Taito sort une suite mythique à Galaxian : Galaga. Les aliens font une entrée en scène selon un protocole
bien défini en plusieurs vagues d'aliens se déplaçant en arabesques, puis une fois regroupés en formation serrée en haut de l'écran les aliens attaquent en piqué. La grande nouveauté du jeu
consiste en un rayon tracteur qui permet aux aliens de capturer le vaisseau du joueur. Cependant il est possible de récupérer le vaisseau capturé en blastant l'alien qui le retient prisonnier. Le
vaisseau libéré vient alors s'arrimer au vaisseau situé en bas de l'écran doublant ainsi la puissance de feu. Galaga est un jeu d'une grande richesse car les réactions des ennemis divergent selon
les niveaux. En outre, Galaga dispose de tableaux bonus permettant d'optimiser son score.
Gaplus (troisième épisode de la série Galaxian) sort en 1984, permet de s'approprier le rayon tracteur et de capturer
des aliens pour augmenter sa puissance de feu. Gaplus est vraiment excellent mais la mode n'est plus du tout aux jeux sur écran fixe.
Les shoot-them-up ont beaucoup évolué depuis Galaxian et Galaga. Dès 1980, Defender de Williams propose de protéger les humains et la
planète terre dans un jeu à scrolling horizontal à l'action très nerveuse doté d'explosions de particules et de sons impressionnants. En 1981, dans Scramble de Konami, on doit infiltrer une base
ennemie à travers des niveaux différents où l'on doit shooter des ennemis volant grâce à un laser, et des objectifs au sol grâce à des bombes. En 1981 également, Vanguard dispose d'un scrolling
horizontal ou vertical alternativement. En 1983 Exerion et Gyruss introduisent des vues qui imitent la 3D. En 1984, Gaplus (Galaxian 3) passe donc assez inaperçu, les jeux à écran fixe étant
totalement dépassés.
C'est en 1987, comme son nom ne l'indique pas, que Galaga 88 fait son apparition en arcade sur la borne Namco System
1.
Galaga 88 dans son temps
Dans la deuxième partie des années 80, les sons électroniques, la SF et les thèmes futuristes sont plutôt passés de mode . La culture
de masse est inondée par la mode revival qui consiste à recycler de l'ancien pour le remettre au goût du jour. En musique cela se traduit par une foule de mégamix des années 50, 60, et 70 (Jive
bunny, Claude François, Boney M, Village People etc...), de come-back comme celui de Petula Clark, et de reprises de tubes anciens.
Les objets aux formes « vintage » comme les radios en forme de juke box des années 50, ou les films américains nostalgiques des années
50 et 60 inondent les rayons de gadgets et le box office.
Les jeux vidéos ont quasiment abandonné les batailles spatiales et plus encore les jeux du type Space Invaders/Galaxian. Le jeu vidéo
explore d'autres voies : Sega sort ses bornes hallucinantes, techniquement et visuellement, comme Space Harrier, Out Run, et Enduro Racer, Taito fait dans le jeu de plateforme « cute » (Bubble
bobble, Rainbow islands), le beat-them-all fait des débuts fracassants avec Double Dragon de Technos, l'heroïc-fantasy commence à avoir des jeux vraiment très cools à une époque où les jeux de
rôle font fureur (Rastan Saga de Taito et Gauntlet d'Atari). Enfin le jeu vidéo ne sera pas épargné par la mode revival. Les concepts anciens sont repris, customisés, et reliftés. Cela donnera
des jeux comme Arkanoid, Super Sprint, Pacmania et… Galaga 88.
A cette époque, le shoot-them-up est complètement révolutionné par des jeux comme Gradius, Salamander, ou R-type, qui introduisent un
armement évolutif, des niveaux différents avec des environnement singuliers, des boss, etc... Galaga 88 reprendra donc le bon vieux concept de Galaga mais en l'agrémentant d'une foule de
nouveautés.
Dans Galaga, on pouvait sacrifier un vaisseau à l'ennemi pour le récupérer ensuite de vive force et bénéficier d'un double tir.
Désormais, on peut se sacrifier deux fois et bénéficier d'un triple tir en libérant les vaisseaux capturés par l'ennemi. Par ailleurs, comme dans les shoot-them-up récents, les décors ne se
limitent plus à un fond d'écran étoilé. Ils sont thématiques en fonction du niveau, de l'environnement ,et même de la dimension dans laquelle on se trouve. En effet, dans Galaga 88, on peut
évoluer dans différentes dimensions et choisir sa route un peu comme dans Out Run en passant dans des portes inter-dimensionnelles.
Galaga 88 reprend en les améliorant les niveaux bonus initiés par Galaga et Gaplus et met des boss à la fin des niveaux.
Galaga 88 s'inspire également de l'aspect « cute », parodique et burlesque, alors en vogue dans les jeux vidéos. Le jeu de
Namco a des graphismes mignons, les envahisseurs sont délirants. TwinBee de Konami avait ouvert la voie en faisant une parodie à peine masquée du jeu ultra-culte au Japon, Xevious. TwinBee était
également un jeu très mignon, tout comme Fantasy Zone de Sega, un clone du Defender de Midway où l'on doit faire évoluer son vaisseau dans des univers pastels et fluo peuplés de monstres
loufoques.
Tous ces ingrédients feront de Galaga 88 un jeu à l'atmosphère particulière et au gameplay irrésistible, bourré de bonne humeur, peuplé
d'explosions, de feux d'artifices et de sons étonnants.
Un voyage à travers l'espace et les dimensions
Le voyage dans l'espace, les océans cosmiques, les portails permettant de se déplacer d'un point à l'autre dans l'espace ou à travers
les dimensions, les mondes extra-terrestres sont les thèmes science-fictifs par excellence et Galaga 88 les manie avec beaucoup de brio et d'humour.
Le jeu est composé de 29 niveaux à travers 8 mondes ou zones galactiques et 5 dimensions (qui constituent une arborescence au sein des
mondes). On peut changer de dimensions en collectant des capsules bleues de téléportation, qui permettent de fracturer l'espace temps et d'ouvrir un portail inter-dimensionnel. Plus on chemine
dans une dimension reculée (numérotées de 1 la plus directe à 5 la plus lointaine), plus le niveau sera élevé, les ennemis rapportant plus de points, et les boss finaux et les messages de fin
seront différents.
Des phases intermédiaires avec scrollings viennent parfois s'intercaler entre les niveaux mais sont sans grand intérêt. Ils permettent
surtout de reprendre son souffle et de peaufiner son score.
Les passages d'un monde à un autre sont entrecoupés de stages bonus nommés « That's Galactic Dancing », où les aliens donnent libre
cours à leur talent dans les mouvements d'ensemble qui sont de grands moments de bonheur. Il est à noter que si l'on reste à contempler les aliens dans leur ivresse de danse sans tirer le moindre
coup de feu, il nous est généreusement octroyé un bonus spécial.
Stages 1 à 3 (dimension 1) : l'action se déroule dans la première dimension qui se
situe dans la première zone galactique, avec une station spatiale circulaire type 2001, l'Odyssée de l'Espace pour décor.
Stages 4 à 7 (dimensions 1 et 2) : l'action prend place près d'une lune. Selon que
l'on a collecté ou non les capsules de téléportation, on évolue dans la première ou la deuxième dimension. Des cristaux font obstacle au tir, et une fois détruits ils libèrent les fameuses
capsules permettant de cheminer à travers les dimensions.
Stages 8 à 10 (dimensions 1, 2 et 3) : on survole cette lune où des formations
extra-terrestres ont élu domicile. Au terme d'un niveau qui alterne phases à scrolling et combats classiques sur écran fixe, on affronte un boss. Des champs d'astéroïdes forment la toile de fond.
Des cristaux, des astéroïdes et des amibes font obstacles à nos tirs ou gênent la progression lors des phases à scrolling.
Stages 11 à 14 (dimensions 2, 3 et 4) : on combat désormais à travers les océans
cosmiques et l'espace infini. Ça commence à se corser.
Stages 15 à 18 (dimensions 2, 3 et 4) : on arrive aux frontières de l'empire
Galaxian/Galaga. Des bases spatiales et des cosmo-mines toutes droites sorties du jeu Bosconian de Namco l'attestent. C'est en quelques sortes la ligne Maginot des aliens.
Stages 19 à 22 (dimensions 2, 3, 4 et 5) : on entre dans le territoire ennemi dont on
voit les planètes en guise de théâtre des opérations.
Stages 23 à 26 (dimensions 2, 3, 4 et 5) : on poursuit notre périple derrière les
lignes de l'ennemi, et on aperçoit au loin la planète des aliens, mi-artificielle, mi-organique, creuse, avec une sorte de noyau en fusion en son centre.
Stages 27 à 29 (dimensions 2, 3, 4 et 5) : c'est la bataille finale dans la base qui
se situe dans la partie artificielle de la planète des aliens.
Les ennemis
Dès 1898, avec la guerre des mondes de HG WELLS, l'invasion extra-terrestre a envahi la littérature SF, donnant aux aliens un type
aussi éloigné que possible des formes humanoïdes : le fameux extra-terrestre à la morphologie proche des céphalopodes et aux yeux pédonculés. Pour sembler le plus méchant possible, les aliens
doivent être éloignés possible des humains.
Ainsi, dès Space Invaders les aliens ressemblent à des mollusques. Les gros pixels formés de carrés et les sons électroniques bizarres
et rudimentaires parachèvent l'impression d'étrangeté. Galaxian et Galaga optent eux pour des formes insectoïdes. Les aliens sont des prédateurs qui veulent nous exterminer, nous coloniser, nous
asservir, voire nous manger. Non seulement ils ne nous ressemblent pas mais ils ont des modes de pensée, des comportements, et une civilisation radicalement différents.
Galaga 88 n'est pas une invasion extra-terrestre mais est au contraire une invasion humaine. Cependant, le jeu joue de cette étrangeté
en misant sur la carte burlesque jusque dans les sons émis par les aliens. Les mouvements de certains aliens sont parfois complètement déroutants. Lors des « galactics dancings », les
aliens viennent nous narguer et saluer les balles jusque sur le devant de notre canon. Certains aliens absorbent et se nourrissent des tirs qu'on leur envoie, ils grossissent alors jusqu'à
éclater.
Bref Galaga 88 est un jeu dépaysant et peuplé d'aliens loufoques. Les ennemis peuvent revêtir des apparences et avoir des comportement
différents selon la dimension dans laquelle on se trouve. Ils se composent de :
Zako : ils rapportent 50 point en formation et 100 points en phase
d'attaque.
Goei : ils peuvent parfois procurer lorsqu'ils fusionnent entre eux une capsule de
téléportation. Ils rapportent 80 points en formation et 160 points en phase d'attaque.
Galagans boss : c'est eux qui capturent le vaisseau grâce à leur rayon tracteur. Ils
rapportent 150 points en formation et entre 400 et 1600 points en phase d'attaque selon la dimension dans laquelle on se trouve.
Don : ils rapportent 100 points en formation et 250 points en phase d'attaque. Ils
explosent façon feux d'artifice, du plus bel effet.
Nin : ils rapportent entre 400 et 800 points en formation ou en phase d'attaque selon
la dimension dans laquelle on se trouve.
Pan : ils rapportent entre 900 et 1400 points en formation ou en phase d'attaque selon
la dimension dans laquelle on se trouve. Ils absorbent les tirs, dont ils se nourrissent, grossissant jusqu'à éclater.
Kan : ils rapportent entre 1600 et 2200 points en formation ou en phase d'attaque
selon la dimension dans laquelle on se trouve.
Escortes : ils remorquent les aliens lors des phases de protocoles d'entrée en scène
sur le théâtre des opérations puis disparaissent aussi vite qu'ils sont arrivés. Il s'agit des Hiyokos (1ère et 2ème dimensions) qui valent 600 points, des Darumas (3ème dimension) qui valent
1200 points, et des Babitos (4ème et 5ème dimension) qui valent 1800 points.
Les boss finaux: l'alien chauve souris (2ème dimension) vaut 100 000 points, l'alien
plante carnivore (3ème dimension) vaut 200 000 points, le crabe alien (4ème dimension) vaut 300 000 points, l'alien/frelon (5ème dimension) valant quant à lui 400 000 points.
Graphismes/bruitages/animation
Graphismes : ils sont simples mais agréables et colorés.
Bruitages : les musiques sont peu nombreuses. Elles interviennent lors de l'écran
titre, de l'écran d'affichage des scores (très belle musique nostalgique qui donne envie de remettre une pièce) et surtout des « Galactic Dancings » sur des airs de valses, marches ou Tango.
Cependant durant le jeu il n'y a pas de musiques mais plutôt des sons et des bruitages bizarroïdes et très réussis qui font bien ressortir la sensation d'étrangeté des aliens.
Animation : les animations sont peu nombreuses lors des phases à scrolling
vertical. L'animation est irréprochable mais n'apporte pas grand chose au jeu hormis la sensation qu'on voyage à travers l'espace infini…
En conclusion l'intérêt du jeu ne se situe pas dans ses performances techniques. L'essentiel est ailleurs dans le gameplay et
l'atmosphère générale délirante.
Différentes adaptations domestiques :
La version PC Engine est remarquable. C'est grâce à elle que j'ai connu ce jeu magnifique qui est d'ailleurs mon jeu PC Engine préféré.
Le jeu n'est pas "arcade perfect" puisque la version arcade utilise un écran en mode vertical. Le jeu a donc été complètement repensé en mode horizontal, mais le gameplay est très très proche de
l'esprit du jeu original (6 suppos/6 eh oui c'est moi qui note héhé ^^). On peut retrouver cette version sur la Virtual Console de la Wii.
En revanche, la version Game Gear est très très loin du jeu d'arcade prenant de nombreuses libertés avec le jeu original,
vraisemblablement à cause des limitations techniques de la machine. Le jeu reste quand même assez bon (disons 4 suppos/6). A
noter qu'une version Megadrive a été programmée mais n'a jamais été commercialisée.
Verdict final :
Galaga 88 est un jeu sublime qui a dépoussiéré et approfondi le genre des space-invaders-like. Ce jeu est la preuve qu'il n'y a
pas besoin de graphismes et de sons de la mort qui tue pour faire un GRAND jeu !
SUPPOS : 6/6