[RETROGAMING] Beggar Prince / Megadrive
BEGGAR PRINCE
Support : Megadrive
Développeur : Super Fighter Team (USA) / C&E (Chine)
Sortie : 1996 en Chine, 2006 aux Etats-Unis
J'avais dix ans. Sortant à peine de la période Amstrad CPC 6128+, je lorgnais vers les consoles 16 bits avec l’envie gourmande
d’un petit garçon qui convoite le jouet de ses rêves. Et l’ambition grandissait : celle de, moi aussi un jour, jouer aux « plus beaux jeux de la Terre » sur une de ces surpuissantes machines. Ce
n’est qu’après 253 « Papa s’te plaît » et 46879 « Maman j’t’en prie » (oui ma mère est une coriace, mais moins que moi !) que je posais enfin mes mimines de chérubin sur une machine qui allait
m’accompagner pendant 6 années : la somptueuse Megadrive de Sega. Chers amis, cela se passait en des temps reculés, en 1990…
J’avais les cheveux courts en ce temps-là… Michael Jackson n’était pas encore un extra-terrestre, la polluante télé-réalité ne touchait
que les USA, le CSA partait en guerre contre les « atata » d’un survivant nommé Ken, et la plupart des musiques s’écoutait encore sur K7. Dingue comment les choses évoluent en l’espace de 15 ans
; affolant de voir les objets de notre enfance sombrer dans un néant angoissant alors que les générations se succèdent. Et pourtant, certaines personnes se permettent de faire ressurgir le passé.
Ainsi, dans une année 2006 où l’on trouvait tout juste beaux des jeux comme Castlevania : Curse of Darkness, une petite société américaine osa ressortir un soft sur l’antique Megadrive. Et pas
n’importe quoi puisqu’il s’agit d’un RPG ! Mais je sens la curiosité vous hérisser les poils d’un doux frisson. Venez avec moi quelques lignes plus bas : nous partons 15 ans en
arrière…
Le prince, le pauvre, et un gros Mickey tout poilu.
En 1996, on ne parle déjà plus de Megadrive ni même de console 16 bits. Le temps est à la Playstation et Sega se meurt lentement,
étouffé dans les composants de sa Saturn, au détriment des fans qui pleurent sur un passé glorieux. Jamais le slogan « Sega, c’est plus fort que toi » n’a sonné aussi faux face à Sony. Pourtant,
très loin en Chine, des petites boîtes continuent de développer des jeux sur la Megadrive, jeux qui se font presque « sous le manteau » et qui de toute façon ne quitteront jamais le pays. Ainsi
naquit Xin Qi Gai Wang Zi, petit RPG destiné à rester dans l’ombre…jusqu’à l’année 2006. Un petit groupe américain de passionnés décida en effet de ressortir le jeu sur les terres
d’outre-Atlantique, traduit intégralement, et rebaptisé Beggar Prince pour l’occasion.
Ne cherchez donc pas de purs effets techniques. Il s’agit d’un RPG d’antan, sans effets de lumière, sans 3D, sans fioritures
scénaristiques. L’histoire très bateau reprend en grandes lignes « Le prince et le pauvre ». Vous incarnez donc Steven (…misère), un jeune prince gâté, arrogant, méprisant…Bref un vrai noble
détestable. Pour s’enfuir du château et aller dépenser son argent en ville (dans des pâtisseries), il échange ses vêtements avec les oripeaux de Tom, un vagabond lui ressemblant comme 2 gouttes
d’eau, et chacun prend la place de l’autre. Sauf que le ministre, un homme-chat à tête de gland (le Mickey poilu de l’histoire, suivez un peu !) est témoin de la scène et va tirer profit de cet
événement. Steven se retrouve donc coincé à l’extérieur, sans un sou, et va ainsi partir à l’aventure pour regagner sa place et défaire le méchant ministre tout pas beau.
Bon c’est archi-classique, mais ce n’est pas vilain non plus. L’horreur survient en fait de la naïveté générale du soft. Par exemple,
Steven voit un monstre taper un petit animal. Et de dire : « Il existe donc tant de cruauté en ce monde ? Cette bête ne t’a rien fait, tu es méchant et mérite une punition ». Ou bien, en voyant
des gens pauvres : « Il y’a donc des personnes qui vivent comme cela ? Diantre finalement je vais les aider car je me rends compte qu’il faut aider son prochain et que j’ai été égoïste ! ». Bon
ok j’en rajoute légèrement, mais tout se fait de manière tellement brusque et naïve qu’on n’y croit pas une seule minute. Le prince méprisant du début se transforme par à-coups en justicier
défendant les valeurs, bof…
Le prince : larmes du guerrier.
Je ne vais pas m’attarder sur la progression, celle-ci reste classique. Donjons, énigmes, villes, etc…En revanche je me dois de vous
parler des combats tant ces derniers posent problème. Mais alors un problème tellement grand que tout le jeu s’en retrouve gangréné ! Sachez donc que vous ne contrôlez que le prince. Ce dernier
peut bien sûr attaquer, se défendre, balancer des magies, s’enfuir…Bref le b-a ba d’un héros de RPG. Les magies sont de 9 sortes : terre, feu, vent, eau, ténèbres, lumière, vaudou, contrôle, et
esprit. Cela peut paraître beaucoup mais en fait la magie est très peu utile. Vous vous en tiendrez donc bien souvent à l’attaque de bourrin. Venons-en au ver dans la pomme. Chaque action que
fait Steven en combat lui fera baisser une barre dans des proportions plus ou moins grandes selon l’acte désiré. Lorsque la barre est vide, c’est au tour de l’ennemi, lequel dispose du même
système d’actions…et là on pleure !
Prenons un cas pratique : vous avez 6 aigles devant vous. Lorsque vient leur tour, ils vous attaquent disons 5 fois avant que la barre
se vide. A vous maintenant ! Vous en charclez 5, il en reste donc un seul. Combien de fois croyez-vous qu’il va vous attaquer ? Hé bien, je vous donne la réponse : 5 fois également !!! En gros,
cela ne sert à rien d’avoir en face un ou dix ennemis puisque la barre se videra au même rythme selon les actions qu’ils effectueront. Les combats prennent alors une allure de calvaire puisqu’un
seul ennemi tout bête vous laminera de la même façon que 10 de ses congénères en même temps. Ce système est si mal pensé que je vais jusqu’à me demander s’il n’y a pas eu cafouillage au niveau de
la programmation finale, c’est pour dire !
Buggar Prince ?
Certes le jeu date. Certes il a été fait par des boîtes non-professionnelles. Mais quand même, il y a des limites à l’acceptable. Le
jeu est un véritable rendez-vous de bugs ! Bug technique lorsque, par exemple, mon prince disparaît purement et simplement en même temps que 2 gardes après que j’ai parlé à un roi ce qui me met
dans l’impossibilité de continuer. Bug scénaristique lorsque, après avoir rempli la mission donnée par un roi je me décide à parler à la reine qui me dit que son mari est un bon à rien ; ce à
quoi mon héros répond qu’il est quand même un bon monarque puisqu’il m’a récompensé pour avoir rempli ma mission (alors que je n’avais pas encore été le voir, vous suivez ?). Bug à la con
lorsqu’on voit que le coût de MP de la magie Heal (qui augmente avec le temps) ne correspondra jamais à la quantité de MP qui sera réellement utilisée quand vous le lancerez. Bug de respawn
lorsqu’on se rend compte qu’après avoir tué un certain boss, on peut quitter la salle et revenir aussitôt pour l’occire encore et augmenter ses niveaux rapidement. Bug de progression
ultra-critique lorsque, comme j’ai pu le lire sur un forum, on loupe un coffre dans un certain donjon. Coffre contenant évidemment des bottes permettant de franchir des sables mouvants, soit un
artefact obligatoire pour continuer. La crise survient lorsqu’on se rend compte qu’on ne peut pas retourner dans le niveau…Une sauvegarde de foutue, hop !
Un prince qui s’enlise dans les sables du temps.
Reste maintenant le côté nostalgique qui jouera en la faveur de Beggar Prince. Les fans de la Megadrive et des jeux des années 90 se
rueront certainement vers cette rareté. La corde sensible vibre, et il est vrai que lorsqu’on tient enfin entre ses mains la boîte du jeu (dans un plastique bas de gamme qui manque de vous
entailler la paume, mais passons…), on ne peut s’empêcher de sentir une petite joie nous envahir. Une pointe de bonheur me réchauffa quand je me rappelai ces quelques années où, parce que la
technique n’était pas développée, les concepteurs rivalisaient d’ingéniosité pour proposer des gameplays novateurs, des designs accrocheurs ; des mondes qui, parce qu’ils ne cherchaient pas
techniquement à copier le réel, procuraient un réel sentiment d’évasion. Je repensais à tous ces moments passés à jouer avec mes copains d’enfance, avec mon ami Laurent qui maintenant bosse en
entreprise alors que quelques posters écornés de nos héros d’antan (Sonic, Earthworm Jim, Ecco, Dragon Ball, Toe Jam & Earl…) parsèment encore les murs du sous-sol de la maison de ses
grands-parents. Témoins de papier d’innombrables crises de fous rires, de blagues d’enfants innocents qui furent les spectateurs d’une époque hélas à jamais révolue. Un temps où la sortie d’une
suite de jeu était un véritable événement, une ère ancienne où l’on était assez content de trouver un RPG en Français pour ne pas s’embarrasser avec la question du 50 Hz . Et quand aujourd’hui je
tourne mon regard vers mon étagère dédiée à la Megadrive, je ne peux m’empêcher de rester figé, à scruter tristement mes bons vieux Landstalker et autres Shining Force.
Que reste-t-il de ces années ? Qui sera le porte-parole auprès des jeunes joueurs pour leur montrer ce qu’on savait faire à l’époque ?
Un jeu, un seul – Beggar Prince ? Non, mille fois non ! Etre nostalgique ne justifie pas de voir en ce dernier jeu Megadrive une petite perle. Jamais les larmes chaudes qu’il m’arrache ne
pourront me faire oublier que Légende de Thor, Soleil, et ses compatriotes étaient 100 fois meilleurs. Beggar Prince reste au final une curiosité pour nostalgiques ; mais j’adresse un message à
tous les joueurs de moins de 16 ans : ne croyez pas que tous les RPG 16 bits furent comme ce dernier-né, c’est-à-dire aussi amateurs. De véritables bijoux existent, et vous devrez un tant soit
peu vous intéresser à ce qui se faisait il y a 10 ans de cela pour les déceler. Plongez-vous dans cette époque que vous n’avez pas connue, ces années où le jeu vidéo n’était encore qu’un jeu. Et
Dieu que c’était bon ! Quant à moi, il ne me reste qu’à fermer le coffre pour quelques temps encore, à rebrancher mes Wii et PS3, et à regarder évoluer le monde des jeux vidéo alors que mes rides
s’affirment. Mais pourtant, profondément, dans les brumes opaques de la boule qui me serre la poitrine, je suis sûr que j’entends encore un petit rire d’enfant…
Certes Beggar Prince est un jeu de collection : quel collectionneur pourra en effet résister à l’envie de posséder l’unique jeu
Megadrive sorti en 2006, et un RPG de surcroît ? En revanche, les autres joueurs appréciant juste les bons jeux vont gâcher 40 euros dans un titre qui a un système de combat totalement pourri,
des bugs de progression critiques, et un manque total de design. Face aux autres RPG Megadrive, Beggar Prince se fait hélas piétiner. C’est peut-être pour ça que les sprites sont aussi petits,
qui sait ?
En conclusion, un mot résume à la perfection Beggar Prince : AMATEUR. Tout dans ce RPG fleure mauvais le bricolage, et pour cause puisque les développeurs chinois ne disposaient pas des outils de
développement et des infos sur le hardware de la console. Ils devaient donc tout apprendre par eux-mêmes. Certes cela peut excuser le résultat, mais il n’empêche qu’un mauvais plat cuisiné avec
tout l’amour du monde reste toujours un mauvais plat. Le jeu se laisse un peu jouer malgré les bugs et les combats insipides, mais quand à côté on regarde les autres jeux de la Megadrive (les RPG
comme les autres), une seule pensée nous vient à propos de Beggar Prince : tout ça pour ça ?
SUPPOS : 2,5/6