[DOSSIER] Portraits de brocanteurs

Publié le par Monsieur Atari

[DOSSIER]  Portraits de brocanteurs

I. L'exposant néophyte

Comme son nom l’indique, l’exposant néophyte est un débutant dans le milieu. Mais en le regardant d’un peu plus près, on constate qu’il débute aussi dans la vie. Optimiste au possible, persuadé que le monde entier est comme lui et ne doutant de rien, c’est une sorte de touriste de l’existence qui débarque de son petit cocon très protégé pour se lancer dans la jungle de la réalité. Les dégâts sont toujours terribles.

Avec la mode des brocantes et autres vide-greniers, et les rumeurs d’argent facile qui circulent dessus, il s’est dit : « Pourquoi pas moi ? » En regardant ses placards ou sa cave, il y a trouvé quantité de cochonneries ne servant à rien du tout. Ce lot de 30 assiettes par exemple. Elles n’ont jamais servi. 30 assiettes alors qu’ils sont 4 à la maison... Même quand il a additionné ses amis et toute sa famille, on était encore loin du compte. Mais pourquoi a-t-il acheté ça ? Et là, un oiseau en bois sculpté, un cadeau empoisonné de sa belle-mère. Et encore là, un sachet en plastique plein de surprises Kinder des années 90 ! Aidés par la télé et des documentaires montrant des tas de cons collectionnant tout et n’importe quoi, il se dit qu’il a là des trésors qui valent de l’or ! Il se voit déjà faire de la place dans sa maison et surtout de l’argent, il en a tellement besoin. Avec tous ses crédits contractés pour tenir un niveau de vie qui n’est pas le sien, il lui faut d'urgence trouver un nouveau débouché afin de payer ses dettes.

Sa décision est prise. Dans la semaine, il loue un emplacement pour la prochaine brocante, la plus proche de chez lui. N’importe laquelle. Première erreur. Grand seigneur, il paye en clamant haut et fort que, pour gagner de l’argent, il faut obligatoirement en dépenser. Deuxième erreur. La grande braderie est fixée au samedi suivant. Il a hâte.

Vendredi soir, il a mis le radio-réveil à 8h00, en se disant que c’était bien suffisant. Mais se lever tôt un samedi matin, surtout après une semaine de boulot, c’était assez difficile. Il a grignoté pas mal de minutes supplémentaires dans son lit, abusant de la fonction « rappel ». Il se lève finalement en traînant les pieds, baillant sans arrêt et errant sans but dans le salon en pyjama pendant un bon quart d’heure.
Une douche de 30 mn minimum s’ensuit. Habillage, bâillement, dernière vérif’, re-bâillement, il finit par décoller de chez lui, seul. Il avait bien prévu de venir avec ses gosses, des ados, pour filer un coup de main mais ils lui ont clairement fait comprendre que c’était pas humain de se lever aussi tôt un samedi. Ils lui ont confié le bon soin de vendre leur matos à leur place.

Arrivant vers 9h30 dans sa petite voiture pas du tout adaptée au transport de caisses, cartons et autres portants, trouvant une place pour se garer à plus de 500 m de la brocante, il s’aperçoit qu’on ne l’a pas vraiment attendu pour faire des affaires. Tout le monde est déjà là, brocanteurs et clients, et depuis longtemps. Pire, son emplacement est cannibalisé par ses voisins de table qui, ne voyant personne venir lors de leur propre installation, à 6h00, en ont profité pour agrandir la boutique à peu de frais…

Déjà à la bourre, il perd encore du temps à tout déballer, multipliant les allers et retours à sa lointaine bagnole. Alors qu’il a besoin de se concentrer pour ne rien oublier, il est régulièrement dérangé par de potentiels acheteurs qui voudraient bien savoir le prix de ci ou de ça. Des ventes perdues, sans parler de la fauche lorsqu’il a le dos tourné. C’est à ce moment là qu’il commence à se dire que le commerce, c’est peut-être pas si évident que ça et que cette journée risque d’être longue…

[DOSSIER]  Portraits de brocanteurs

Il est quasiment 10h00, tout est enfin installé sur le stand. Il se dit que, même si le début fut laborieux, le plus dur est passé. A lui les liasses de biftons bien épaisses ! A ce propos, lors de sa toute première vente, une famille d’hippo Kinder vendue 10€ et négociée à 2€, il s’est rendu compte qu’il n’avait pas de fond de caisse. Il a juste quelques billets et pièces dans sa poche mais pas plus. Il pensait que les clients feraient l’appoint… Au bout d’un moment, ça devient insupportable. Alors il demande à ses voisins de tenir le stand le temps qu’il aille faire de la monnaie. Il achète un Coca à la buvette, qu’il paye au prix fort, mais il n’a pas le choix. Il casse son plus gros billet et se retrouve enfin avec des munitions.

Après la monnaie, ce sont les sacs qui lui font défaut. Ça non plus, il n’y avait pas pensé. Il a loupé une autre vente tout à l’heure à cause de ça car la nana ne voulait pas s’encombrer les mains avec son grand oiseau en bois sculpté. Pas de sac, pas de vente. Tout cela commence à le soûler. Les gens ne peuvent pas venir, prendre l’objet, lui filer le fric et se tirer ??

11h00, il regarde son stand. Ça part pas des masses. Tout est encore là. Il a vendu deux conneries maxi. Il faut dire aussi qu’il pratique des tarifs monstrueux. Ses assiettes, il veut les revendre au prix qu’il les a achetées, il veut rentrer dans ses frais. Même chose pour les merdes de ses gosses, souvent des jeux vidéo, mangas ou des vieux jouets fanés des années 90/2000.

- Combien la figurine d’Action Man à poil là ?
- 20€ madame ! Et elle les vaut !

T’as raison mon gars !

Il s’ennuie. Des tas de gens passent devant son stand mais aucun ne le regarde. Il a la sensation qu’on ne le voit pas, qu’il n’existe pas. Il est seul dans la foule. Il n’a pas pensé à mettre une nappe colorée pour attirer l’œil, ou faire une jolie présentation de son matos. Le premier commandement du brocanteur est de capter l’œil. Là, c’est raté. Il a mis ça en vrac sur sa table, presque les uns sur les autres, on ne voit rien, alors les passants passent.

Si on est pendant la mauvaise saison, il prend la flotte ou se gèle car il n’a pas prévu de fringues adéquates pour ce genre d’activité. Il ne savait pas qu'en hiver, il faisait aussi froid dehors... Et c’est là que l’on comprend qu’il bosse toute l’année dans un bureau avec la clim. Cerise sur le gâteau, il a envie de pisser, voire pire. Là non plus, il n’a pas pris ses précautions avant de partir, s’accordant même un grand bol de café au lait et plusieurs tartines pour tenir le coup.

Le froid ou la pluie, c’était relativement supportable, mais pipi/popo, non. Après de nombreuses minutes de torture à gigoter sur son pliant, il redemande aux voisins de s’occuper de son stand pour quelques minutes. Il se précipite devant la seule cabine faisant office de toilettes de toute la brocante et constate qu’il y a une file d’attente monumentale ! Il va falloir s’armer de patience. La station debout l’aide à tenir encore un peu.
20 mn plus tard, il revient enfin, soulagé. L’hygiène de la cabine était effroyable mais quand on n’a pas le choix... Il se fait accueillir froidement par ses voisins de table, qui lui disent, d’une part, qu’il aurait pu se dépêcher car ils ont autre chose à foutre que de tenir son stand et qu’en plus, ils avaient un client intéressé par ses assiettes mais comme aucun prix n’est marqué et qu’ils n’en savaient rien eux-mêmes, le mec est reparti. Des objets ont aussi disparu du stand. Le cendrier en verre en forme de teckel n’est plus là par exemple. Il commence à soupçonner les voisins.

Ses enfants arrivent. Il est près de midi, ils se sont enfin levés… Ils ont pris le métro pour rejoindre celui qu’ils pensent naïvement être leur géniteur. Croyant voir la relève arriver, il reprend un peu espoir mais est vite déçu, les ados sont juste là pour savoir s’il a vendu leurs mangas de Naruto et autres jeux PS3 et prélever leur dîme. Devant la réponse négative, ils se mettent à le chambrer en le traitant de vendeur nul. Après avoir tourné dans la brocante, et lui avoir taxé un peu de fric car ils ont vu « une affaire » plus loin, ils repartent et le laissent à son triste sort. Faites des gosses!

Midi, il fait faim. Ça, il y a pensé. Tout est dans la glacière. Hélas, elle est dans la voiture, et il a oublié de la prendre avec lui lors du déballage des cartons. En plus, les voisins ont tout rangé et fichu le camp pour l’heure afin d’aller bouffer avec les autres exposants. Il ne peut pas laisser son stand comme ça. Bien souvent, il en est réduit à aller demander à quelqu’un d’aller lui acheter un sandwich au pain à 10€ qu’il paye d’avance avec ses rares bénéfices du matin.

14h00, une animation démarre à 20 mètres de son stand, c’est soit des danseurs de country, soit de la capoeira avec de la zik brésilienne à fond les ballons. Il ne manquait plus que ça. Les gens aux yeux et oreilles fragiles s’en vont rapidement et sont remplacés par d’autres qui, visiblement, n’achèteront rien. Ça dure 45 mn, 45 mn de ramonage de tympans et de mauvais goût ridicule. A la fin de la journée, il aura encore en tête la chanson-phare de l’animation, qui fut jouée quatre fois de suite…

15h00, la famille Chotard se retrouve devant son stand ! Ce sont des amis, enfin ceux de sa femme. Pour lui, ce sont surtout des cons mais il se sent tellement seul qu’il leur accorde le bénéfice du doute pour cette fois-ci, juste pour avoir le plaisir de discuter avec quelqu’un, un peu de chaleur humaine dans ce grand vide.

- Alors monsieur brocanteur, ça marche les ventes ?
- Ça démarre…

Profitant de l’occasion, il essaye de leur en caser une.

- Eh Kévin, tu as une Xbox il paraît ? Et bien j’ai une affaire en or pour toi, une superbe cartouche pour Nintendo 64 ! Mais oui c’est compatible ! Non ? Vraiment pas ? Même pour 25€ ? Bon tant pis !

Fils de cons !

Sur le coup, il ne réalise pas que toute cette smala hébétée bouche le passage et surtout, le stand en lui-même, empêchant ainsi notre brave exposant de faire des ventes. Il comprendra plus tard qu’une brocante, c’est fait pour se faire du fric, pas des amis.

16h30, ça suffit comme ça ! La brocante s’arrête à 18h00 normalement mais il en a ras les baskets. Il a un mal de tête à couper au couteau et n’a rien vendu ou si peu. S’il a fait 40€ de recette, c’est bien le maxi. Au lieu de lui rapporter de l’argent, la brocante lui en a coûté. L’emplacement, l’essence, le temps, les humiliations etc. Il plie bagage nerveusement sous l’œil hilare de ses voisins pour qui ce genre de noob est une friandise de choix.

- Encore un qui croyait que le commerce en extérieur, c’était facile !
...chuchotent-ils entre eux.

Il range ses tables mais se débarrasse de quasiment toute sa marchandise. Les assiettes, l’oiseau, les mangas de ses gosses, poubelle ! Pas question qu’il se fasse chier à tout ramener. Cela fera la joie d’exposants plus malins qui récupéreront ça une fois qu’il sera loin. Furieux, amer et dégoûté, il s’en va en se jurant bien que jamais plus il ne remettra les pieds dans une brocante. L’année prochaine, il sera de retour. Il a des crédits à rembourser, on vous l’a dit, et puis c’est ainsi que l’on apprend un métier.


II. L'exposant aguerri

Plutôt qu’exposant « professionnel », nous préférons l’appellation « aguerri » car le mot « professionnel » sous-entendrait qu’il a une entreprise, est déclaré quelque part et paye quelque chose. Or, il n’en est rien. Il a bien songé plusieurs fois se lancer avec une boîte bien à lui, mais le spectre des taxes et autres impôts lui fait bien trop peur. Et avec le statut d’auto-entrepreneur détricoté d’année en année sous la pression du lobby des artisans, il se dit qu’il vaut encore mieux prendre des risques plutôt que d’être honnête et se faire dépouiller.

Sa préoccupation majeure est donc de savoir de quelle largeur est le trait séparant la légalité de ce qui ne l’est plus, et sa devise est que l’argent est à sens unique : il doit uniquement entrer dans sa poche pour ne plus jamais en sortir. Payer est un gros mot pour lui et n’est utilisé que pour ses clients.
Ayant un pied dans chaque camp, il pourra toujours dire en cas de contrôle, les yeux pleins de larmes et la main sur le cœur, qu’il n’est qu’un tout petit amateur de rien du tout ne sachant pas qu’on n’avait le droit qu’à trois brocantes par an. La mauvaise foi est la base de son métier et est tout aussi valable pour les clients que pour le fisc.

Cette mauvaise foi se lit sur sa gueule. Alors que l’exposant néophyte affichait une tronche fade et naïve, l’aguerri a un air roublard. C’est presque sa carte de visite. On le reconnaît aussi à sa panoplie de brocanteur qu’il porte toute l’année. Pantalon en velours, gilet multi-poches pour le pognon, casquette millénaire, le tout figé par la crasse. Si on mettait tout ça à bouillir, on obtiendrait un pot au feu.
Devant toujours rester en-dessous des radars pour des raisons de survie, il vit à la campagne, retiré dans une grande baraque au fin fond d’un trou paumé. Il est à la lisière de la banlieue de Paris la plus lointaine et de la province la plus proche. Il lui faut de la place et de la discrétion pour mener ses petites affaires.

L’exposant aguerri n’est pas un pro sur le papier mais est tout de même un expert grâce à des dizaines d’années d’expérience. Il part en brocante comme on part en mission. Tout est planifié et rien n’est laissé au hasard.

Pas de bagnole familiale à la con pour lui, il se ramène avec une camionnette ou un utilitaire. Il est toujours l’un des premiers arrivés sur place. Dans la mauvaise saison, le jour se lève à peine que son stand est déjà prêt et est digne des meilleures vitrines des Galeries Lafayette pour attirer l’attention. Le moindre centimètre de sa table est exploité au maximum et tout est prévu. Il a des parasols avec système de gouttière, des guirlandes électriques sur batterie, des vitrines en plexi toute rayées. Il a même des présentoirs en bois qui se déplient, souvent fabriqués par ses soins, qui gagnent de la place en hauteur pour exposer ses plus belles merdes. Si vous passez devant son stand, vous êtes obligé de le voir et de jeter un œil, même sans le vouloir. C’est sa force.

[DOSSIER]  Portraits de brocanteurs

Sa marchandise est une succession de déchets sans valeur aussi sales que lui. Le neuf est son ennemi. On ne peut pas broder sur un truc neuf, ça sort de l’usine, c’est clean, ça n’a pas de vécu. Par contre, une vieille montre sans aiguilles, une médaille militaire trouée ou une pièce de monnaie d’un pays qui n’existe plus, alors là, son talent de conteur se révèle et il va vous raconter toute une histoire dessus totalement invérifiable, mais avec un ton et une voix ne pouvant être mis en doute. Il vous impose la véracité de ses mensonges.

- Regarde la patine dessus. Non mais regarde quand même ! Là ! Voilà ! Ça tu vois, c’est la preuve que c’est du vrai ! Les faux se piquent, mais là non, ça rouille uniquement ! Si tu savais comme elle est rare, et je te jure que je ne te dis pas ça pour que tu la prennes. Des japonais de Chine paieraient des fortunes pour quelque chose comme ça tu sais ! J’en ai encore vu un le mois dernier, un homme d'affaire, dans le riz, sa femme était avec lui, elle s'appelait Suzi Wan je crois, bon, et ben il m’a fait un pont d’or pour l’avoir, j’ai refusé. Je n’ai jamais voulu la vendre mais bon là, avec la Gauche et leurs taxes, j’ai plus le choix tu vois ! Bon, tu la prends ? Tu payes en liquide uniquement hein, pas de chèque ! On est entre amis !

Lorsque vous vous laissez convaincre, il aura toujours un sac pour vous et vous vous demandez toujours où il l'a dégoté. En 2021, vous pouvez vous retrouver avec un sac Mammouth ou Suma datant des années 70. Parfois, on se fait la réflexion que le sac vaudrait sans doute plus cher que ce qu’il contient.

Il n’y a jamais de descriptions sur ses objets, il faut toujours lui demander des renseignements, ce qui vous met en position de quémandeur et lui donne dès le début l’avantage. Quant au prix, tout est à la gueule du client et il vaut mieux qu’elle soit pâle cette gueule. Lorsqu’il déballait son stand, on a très vite compris ce qu'il votait lorsque les classiques arabes sont venus lui demander si ses nappes ou valises contenant son matos étaient à vendre. Pas de ça chez lui, c’est un coup à vous ruiner une réputation. Il préfère nettement quand c’est une cliente. Il suffit qu’une jolie poulette ou une MILF passe devant son stand, et Roméo prend le relais. De suite, on entend sa chaude voix l’interpeller par un :

- Alors la p’tite dame, qu’est-ce qui l’intéresse ?

Nulle part ailleurs, vous n’entendrez plus cet accent faubourien et cette gouaille de camelot des années 50 que sur une brocante. Il drague, enfle, tutoie, parle fort, blague, le tout avec la finesse d’un jarret de porc. En cas de rouquine à l’impressionnant décolleté, il peut même lui proposer, en plus d’une forte ristourne sur ses achats, de les lui porter jusqu’à sa voiture. Un gentleman !

Le fait d’avoir sa bonne femme avec lui, souvent une grosse rougeaude qui tricote sur un transat déglingué, ne l’arrête même pas dans ses frasques. Il n’est pas rare de l’entendre brailler pour attirer l’attention que…

- Chez moi, tout est à vendre, sauf ma femme, ET ENCORE !

Tout est à vendre sauf à midi. Là, y’a plus personne. Pas la peine de lui demander le prix du petit machin en haut à gauche, il vous enverra bouler. La bouffe, c’est sacré. A heure fixe, il sort sa table de camping, ses pliants et attaque sa barquette de salade de museau qu’il fait descendre à l’aide d’un litron de rouge dégueu qu’il boit directement au goulot. Quand il aura terminé, il s’essuiera la bouche d’un revers de manche, rotera un bon coup puis s’en ira pisser derrière sa bagnole sans aucune gêne.

La journée passe, avec son content de clients. Depuis le temps, il les connaît tous par coeur et sait quelle attitude employer rien qu'en les regardant. Le pigeon, la petite famille, le complexé, le provincial, le cinglé etc. Il a une préférence pour le client qui n’est là que pour dévaloriser ses produits. Il se présente très rapidement comme étant un pro de la chose, il collectionne ses objets, il en a quelques dizaines de milliard chez lui, tous plus rares les uns que les autres et, dans sa grande générosité, par  ses bons conseils, il va aider notre brocanteur à améliorer son stand.

Déjà, il commencera par lui dire que tout ce qu’il a là, c’est de la merde. Ça ne vaut rien et donc, les prix proposés sont bien trop élevés. De plus, c’est mal présenté. Il faudrait faire comme ci, mettre ça comme ça etc. C’est un inspecteur des travaux finis. Dès le début, l’exposant aguerri sait qu’il a en face de lui un mytho doublé d’un fauché qui veut sa marchandise à vil prix. Il s'en amusera pendant un bon quart d'heure, lui soufflant le chaud et le froid, avant de le dégager en l'insultant poliment. C'est son plaisir.

En fin de brocante, il s’accorde toujours une petite promenade pour aller voir les concurrents, qui sont aussi ses amis. Pendant ce court moment de repos, il discute de la journée avec Bébert ou Roro, d’autres brocanteurs aguerris comme lui. En bons « presque » petits commerçants, les affaires ne vont jamais, évidemment. Tout le monde est à -20% par rapport à l’an dernier et se demandent bien comment ils vont faire.

Les opinions politiques fusent également. Les « socialopes » au gouvernement tuent ce pays, les fonctionnaires sont des bons à rien, les assistés lui prennent ses sous etc. Eux qui font tout pour ne jamais rien payer, c’est toujours drôle de les entendre dire ça.
Avant de partir, on magouille discrètement avec les copains, on s’échange du matos avec une simple poignée de mains en guise de contrat. C’est le code d’honneur des brocanteurs. On arnaque uniquement les clients, pas ses amis.

Alors, les brocanteurs, tous des bandits et des fumiers ? Non. Même aguerris, il n’est pas rare de rencontrer des gens sympathiques, comme le bon samaritain qui va fouiller tous ses cartons pour vous retrouver la petite pièce qui manque sur ce que vous venez de lui acheter (missile d’un jouet, capuchon de parfum, pion d’un jeu etc.) en vous jurant qu’il l’a et la retrouvera. Et il la retrouve !
Le couple de personnes âgées qui est gêné de vous faire le lot de 30 figurines des Maîtres De L’Univers quasi neuves, avec le château des ombres complet, à 20€ parce que pour eux, c’est du jouet, donc, ça ne vaut rien, et 20€, c’est une somme, surtout quand on la convertit en anciens francs…
Réhabilitons également les manouches qui ont souvent de l'excellente came très bon marché. Posée à même le trottoir, on constate qu’ils sont toujours pressés de la vendre, n’hésitant pas à faire des prix de gros pour que ça parte plus vite, et c’est normal puisque tout provient de cambriolages. La preuve en est donnée lorsque des flics déboulent dans la brocante. Le temps de vous retourner, Manolo est déjà parti.

 


III. Le tourisme des brocantes

Une brocante, c’est fait pour vendre ou acheter. Pour d’autres, c’est avant toute chose une sortie familiale, une sorte de parc où on vient prendre l’air le dimanche avec toute sa smala, parce que ça évite de rester enfermé, qu’il y a plein de monde, des trucs colorés à voir et surtout, c’est gratuit. Ces « autres », ce sont les touristes des brocantes.

Bobos bon teint des quartiers branchouilles de la capitale, lui, hipster hétéro en mocassins sans chaussettes, portant une coupe improbable et un tattoo maori recouvrant tout le bras ; elle, ressemblant à une présentatrice de Canal+, emballée dans un haillon de marque, arborant encore à son âge un piercing nasal, tous les deux entourés de leur progéniture à lunettes roses, tous surdoués d'après leurs dires et affublés de prénoms ridicules (Zarathoustra, Térébenthine, Ludwig-Mouloud etc.), armés d’une poussette énorme qui bouche tout le passage, rentrant dans tout le monde car rivés à leurs portables, tenant parfois en laisse une vessie sur pattes qui ne se privera jamais de se vider contre le pied d'un stand, ils débarquent en début d’après-midi et sont haïs des exposants aguerris.

Haïs car ils n’ont rien à foutre ici. Ils gênent, emmerdent et surtout, n’achètent rien. En façade, ils se la jouent solidaires mais jamais vous ne trouverez plus radins que ces gens-là. Au hasard des étalages, ils demandent les prix de tout ce qui peut attirer leur attention et, suivant la réponse, leur réaction ne varie jamais :

- C’est cheeeeeeeeeeeeer !!!

Ils ont beau être plein de pognon, tout est toujours trop cher pour eux. Ce qu’ils voudraient, c’est du neuf d’occasion et du rare au prix du commun. Une NES qui fonctionne avec tous les jeux, le pistolet et les manettes, le tout à 1€, ça c’est le bon prix pour eux…

[DOSSIER]  Portraits de brocanteurs

Appliquant le terrifiant adage que le client est roi, même quand il n'achète jamais rien, ils se croient tout permis. Lui, sort toutes les cartes postales du sabot mais ne les remet pas dedans, il les laisse en tas sur le coin de la table. Elle, débouche tous les flacons de parfums pour les sentir. Et quand elle en trouve un qui lui plaît avec encore un peu d’essence à l’intérieur, elle s’accorde quelques généreuses pulvérisations dans le cou. Si l’exposant lui fait la réflexion qu’il ne faut pas se gêner, elle répliquera, offusquée, et de sa voix insupportable, que c’est pas grave vu que ses flacons sont à moitié vides ou cassés et donc, que personne n’en voudra jamais. Dans sa mentalité de connasse, c’est presque un honneur qu’elle se soit intéressée à sa marchandise pourrie. Suivant le caractère de certains exposants, les réactions peuvent être explosives.

Quand papa tombe sur un jouet qu’il a eu étant gosse, alors là, c’est la fin de tout. Il fond dessus et commence à raconter sa vie par ordre chronologique. Il avait 6 ans quand Tonton Michou le lui a offert, il y a joué pendant des heures, c’était le bon temps, le temps où il n’avait pas encore les responsabilités écrasantes qu’il a aujourd’hui, parce que figurez-vous qu’il vient tout juste de lancer sa propre start up qui propose une application permettant au monde entier de vendre, du producteur au consommateur, son caca du matin, ça s'appelle caca-matin.fr, et ça démarre très fort, ce qui lui permet de s’accorder un énooooooorme salaire. Et ouais, mais bon, malgré ça, aha, oui, euh, ben, c’est pas facile la vie quoi, LOL !
Levant mentalement les yeux au ciel, l’exposant se dit qu'on ne choisit malheureusement pas sa clientèle et qu’il faut en passer par là pour écouler sa camelote, alors il laisse ce nostalgique des dimanches en mode « play » pendant que lui-même se met en mode « mute ».

Et quand l'autre abruti arrive enfin au bout de sa bande, qu’il s’est vidé de ses souvenirs et surtout qu’il a bien plastronné sur sa vie minable dont tout le monde se fout, son regard se durcit derrière ses lunettes rectangulaires et il se met à démolir verbalement le jouet qu’il a entre les mains. Sèchement, il déclare qu’il est en mauvais état. Ici, c’est cassé, là, c’est sale. Et puis il manque les accessoires, la boîte, et puis le sien était d’une autre couleur et semblait plus grand, ça doit être un faux etc. Pour finir, il assène un mauvais :

- De toute façon, c’est bien trop cher ! Je pourrai en avoir un neuf pour le même prix si je voulais !

Il repose le bidule et s’en va, laissant l’exposant face à des envies d’avortement rétroactif.

Leurs rares achats sont presque toujours du neuf. Les classiques revendeurs de paquets de piles par exemple sont leurs amis. Sinon, ils raflent d’occasion les bouquins de Pierre Bellemare, Mary Higgins Clarks ou Danielle Steel. C’est tout ce qu’ils savent lire. Venant les mains dans les poches, ils exigent des sacs pour tout et payent les quelques euros qu’ils doivent avec de gros billets, ils n’ont jamais de monnaie. Trop connectés à leur monde virtuel, et donc complètement déconnectés de la réalité, il n’est pas rare de les entendre demander si l’exposant prend le paiement sans contact ou Paypal…

Lorsqu’ils ont repéré quelque chose leur plaisant vraiment mais ne voulant pas le payer au prix demandé, ils n’hésitent pas à prostituer un de leurs gamins.

- Patrick-Henri, viens mon chéri ! Tu veux jouer à la brocante avec maman ? D’accord ! Je te donne les sous-sous et tu vas acheter au monsieur là-bas l’Atlantis de Goldorak, tu sais, le grand vaisseau qu’on a vu, là où il y a l'étiquette marquée "45€". Tiens, voilà une pièce de 2€, ne la perds pas, on te regarde faire !

Un petit bout de quatre ou cinq ans qui s’en va acheter tout seul un truc sous l'oeil attendri de ses parents, mignon non ? Sauf pour le vendeur qui se retrouve pris entre deux feux. D’un côté, s’il accepte, il perd de l’argent mais s’il refuse, il passe pour un salaud et nos cyber Thénardier le savent. A moins de 10 m, ils filment la scène avec leur portable, mettant une pression supplémentaire sur notre pauvre exposant, et semblent se repaître de sa détresse.

Vers 18h00, ils rentrent dans leur minuscule appart' de 200m², satisfaits de leur belle journée et de leurs bonnes actions. Quand il reçoivent leurs amis, méritant tout autant de mourir qu’eux, et que la conversation se porte sur les vide-greniers, entre deux amuse-gueules sans gluten, ils font valoir leur expérience en disant qu’ils achètent tout là-bas. Et d'expliquer que c’est de leur devoir de nantis d’aider ces pauvres brocanteurs, qui sont tous SDF d’après eux. Ils regrettent simplement que leurs achats solidaires ne soient pas déduits de leurs impôts…

IV. le chasseur des brocantes

Le chasseur des brocantes mérite cette appellation un peu violente car c’est vraiment la chasse qui l’intéresse. Il ne se l’avouera jamais mais il sait plus ou moins que les brocantes et autres vide-greniers sont devenus une sorte de drogue pour lui. Qu’il fasse ça pour agrandir sa collection, vivre, après la perte de son boulot, en trouvant des lots pour les revendre ensuite à la pièce sur Ebay, ou se constituer une cagnotte afin de partir en vacances, il lui faut désormais sa dose hebdomadaire. Il ne peut désormais plus se passer de ces émotions brutes lorsqu’il dégotte un truc rare, sans parler de cette excitation toujours renouvelée quand il débarque en se disant : « Qu’est-ce que je vais trouver aujourd’hui ? » C’est un prédateur et c’est ça qui le mène.

[DOSSIER]  Portraits de brocanteurs

Le chasseur des brocantes est une machine parfaitement huilée et presque militaire. Il se réveille alors que la nuit est encore là, même en été. Que l’on soit samedi ou dimanche, qu’il bosse ou pas toute la semaine, il saute de son lit à heure fixe sans problème, devançant bien souvent la sonnerie de son réveil. Une sorte de flamme l’habite en permanence. En moins de 30 mn, il s’est lavé et habillé. Gain de temps, tout son matos est prêt depuis la veille. Son bon vieux sac à dos l’attend, frémissant, dans l’entrée. En guise de petit déjeuner, il avale juste une barre de céréales, il ne veut pas se bourrer et risquer un accident intestinal. Il en garde deux dans sa poche pour un creux éventuel, sachant qu’il ne faut jamais acheter à manger sur place de peur de tomber malade, sans parler du prix. Il boit très peu et presse au maximum sa vessie et son colon avant de partir car il faut impérativement fuir les toilettes des brocantes.

Sa tenue est spécialement étudiée pour chiner. Pas question d’être gêné dans ses mouvements mais il lui faut également être protégé des agressions extérieures. Les fibres synthétiques sont ses amies. Pour le froid et la pluie, il a un polaire et un blouson imperméable avec capuche pliée dans le col. Il porte des gants pour éviter de se salir mais aussi de s’abîmer les doigts quand il fouillera des cartons plein de débris en verre ou métalliques. Pour la partie inférieure de son anatomie, un jeans thermoformé par les années et une paire de godasses de marche, légères mais solides et confortables.

Il a une casquette en été et un bonnet en hiver, des tas de poches zippées un peu partout, des sacs en plastique de toute taille et un mini parapluie dans son sac à dos. Il a même une petite lampe-torche, parce qu’on ne sait jamais. Il est paré à tout. Si la fin du monde arrivait ce matin là, il serait l’un des survivants.
Enfin, le principal, il a un sac-banane ou un gros porte-monnaie contenant en pièces l’équivalent de ses dernières allocs. A cause de ça, quand il marche, il fait autant de bruit que Mister T. mais l’éventualité de se faire attaquer à la fraîche ne lui fait pas peur, il sait très bien que les racailles ne sont jamais debout avant midi…

Dernière vérification, un bisou à sa compagne qui dort toujours s’il en a une, et il décolle, s’enfonçant dans la nuit qui ne tardera pas à devenir jour. Direction, la brocante de St Bidule-en-Machin. Au cours du trajet, qu’il fait dans sa voiture ou en transport en commun, il repense à ce topic sur un des nombreux forums du Net, avec des membres se plaignant de ne jamais rien trouver en brocante. Et c’est normal, ils débarquent à 15h. Il rigole tout seul devant ces pauvres gens qui n’ont toujours pas compris qu’il fallait se lever très tôt pour espérer trouver quelque chose. C’est à l’ouverture, jusqu’à 09h30, que les pépites (s'il y en a) se trouvent. Après, c’est terminé et la brocante devient un zoo familial.

Une fois sur place, il fait un premier tour rapide pour évaluer, repérer, et mettre des options mentales. D’expérience, il sait dès ce premier tour si cette brocante vaudra quelque chose. Il apprécie de voir les stands se monter devant lui, quand tout le matos des exposants est encore dans des cartons et autres bacs en plastique. Ça l’excite. C’est comme des préliminaires sexuels.

Au second tour, là, il attaque. Sa méthode est simple. Il demande le prix et si ça ne lui convient pas, il fait une contre-proposition, et si ça ne va toujours pas, il laisse tomber. Pas de temps ni d’argent à perdre. Quand il s’entend avec le brocanteur, il achète de suite. Pas de : « Vous me le mettez de côté svp ? Je vais réfléchir ! » Le chasseur n’est pas une girouette, il sait ce qu’il veut et il le veut tout de suite. Et il est hors de question qu’il se fasse souffler sa marchandise par un autre chasseur. Son cerveau est un ordinateur où tout est rangé et classé. Il sait tout ce qu’il a chez lui et ne ramène jamais un truc en se demandant s’il l’a ou pas. Et en cas de problème de ram, il sort son portable et le consulte. Tout est noté dessus dans des fichiers soigneusement classés.

Il apprécie énormément les exposants ne sachant pas ce qu’ils vendent. Tombant parfois sur des trésors, il a le culot de ne pas se contenter de cette aubaine et s’évertue à faire encore baisser les prix. Il veut à chaque fois le maximum. Le top de l’orgasme pour lui est de voir la petite grand-mère lui faire carrément un prix pour tout le lot, ravie de se débarrasser de toute cette quincaillerie sans valeur à ses yeux. Là, notre chasseur prend vraiment son pied.

Quand il tombe sur un filon, il ne s’arrête pas aux veines apparentes mais creuse encore plus profond en demandant à l’exposant s’il n’a pas, par hasard, d’autres cartons qu’il n’aurait pas déballé. Inspirant confiance, car poli et propre sur lui, il n’est pas rare qu’on le laisse directement fouiller dans la camionnette.

Lorsque le jour est bien levé et que les badauds commencent à affluer, il sait que c’est terminé. S’il est un chasseur digne de ce nom, et que la brocante était riche, ses sacs sont pleins, son porte-monnaie est vide et il peut enfin afficher sur sa figure un sourire. La pression retombe. S’il lui reste quelques pièces, il s’accorde un café dans un vrai bistrot, histoire de souffler et d’apprécier un moment de calme, avant de rentrer tranquillement chez lui pour déballer sa camelote. Il est de retour avant midi. Certains se lèvent tout juste. Ce qu’il a vécu comme émotion et adrénaline en l’espace de quelques heures, d'autres ne le vivent pas en une semaine, voire un mois.

Il faut tout de même faire la distinction entre deux sortes de chasseur. L’un chine pour lui, mais également pour un tout petit groupe très restreint d’amis de confiance qui sont comme lui mais dispersés aux quatre coins de la France. Le temps où il faisait spontanément plaisir aux autres et que ces gens-là, soit ne le remboursaient pas ou carrément lui disaient que, ce qu’il avait trouvé, c’était de la merde ou qu’ils ne lui avaient rien demandé, est bien loin. Comme en brocante, il a fait un gros tri dans son carnet d’adresses pour ne garder que les gens dignes d'intérêt. Son réseau est comme lui, tout le monde connait les goûts des uns et des autres et chacun y pense suivant les trouvailles. Il n’est pas rare qu’ils se téléphonent ou se textotent en pleine brocante pour avoir un avis sur ce qu’ils ont sous les yeux. Quand ils se voient, salon ou passage dans la région, ils se revendent les choses, le plus souvent sans même faire de bénéfices. A charge de revanche.

Ces chasseurs là sont rares car ce milieu est assez peu altruiste et plus porté sur l’égocentrisme qu’autre chose. La preuve avec l’autre chasseur, qui est son double maléfique et beaucoup plus commun. Il chine uniquement pour sa gueule et avec un objectif narcissique derrière : exhiber ses trouvailles. Il faut savoir que tous les weekends, des pages entières de photos de ce genre sont postées en guise de tableau de chasse sur Facebook et autres forums de collectionneurs, et la compétition fait rage. C’est à celui qui trouvera le plus d’objets, qui dégotera les boîtes les plus impeccables, qui aura raflé le plus de choses de qualité à vil prix. Bien évidemment, ces concours de longueur de bite qui ne portent pas leur nom sont toujours vendus sous le coup du « partage ». Partager quoi puisque tous ces objets ne serviront jamais ensuite à des reviews explicites ? Les livres ne seront jamais scannés, les jouets flashés et disséqués. Il n’y a aucun partage ici, on est juste là pour se branler et écraser l’autre en face.

Comme un véritable chasseur étalant son gibier abattu pendant la journée pour une belle photo-souvenir, celui des brocantes fait la même chose. Il frime, parade et soigne ainsi gratuitement ses énormes problèmes d’ego. Les réponses à la suite, toujours très intelligentes et hautement constructives telles que « TU CARTONE », « TA ASSURER », « KOMEN TU FAI ? », « TRO BIEN LES BOITE NEUF » et autres « LOL », sont devenus vitales pour lui. Enfin on s’intéresse à lui ! Enfin il fait quelque chose de bien ! Enfin de la reconnaissance et des bravos ! Et là aussi, ça devient une drogue pour lui, le poussant à faire mieux chaque semaine. Il se met en compétition tout seul mais c’est normal, il a tellement de choses à prouver.

Publié dans FOCUS

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M
Bravo pour le style, nerveux et acide !
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S
excellent , tellement vrai!
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J
J'ai bien ri
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