Sears Atari Pong, celui par lequel tout a commencé
Rendez-vous en 1975 pour le test d'une console Pong. Un Pong ? Oui, mais pas n'importe lequel : LE pong, celui qui a permis à Atari d'attaquer le marché domestique.
Au commencement...
Mais commençons par le commencement ! Nous sommes en 1972. Nolan Bushnell et Ted Dabney fondent Atari afin commercialiser leurs propres bornes d'arcade. Nolan ayant eu l'occasion d'observer le jeu "Tennis" sur la machine de Ralph Baer, l'Odyssey (avec ses jeux précâblés), il demande à sa nouvelle recrue Al Alcorn, afin de tester ses compétences, de concevoir ce jeu en utilisant les technologies mises au point par le duo.
Al ne se contentera pas d'en faire une copie. Il améliorera le gameplay sur de nombreux points (raquettes segmentées permettant des rebonds différents, vitesse variable, affichage du score...) tant et si bien qu'Atari décide de le produire et le commercialiser, faisant fi des risques d'attaque pour plagiat (ce n'est pas ce genre de détail qui effraye Nolan !)
Le succès de Pong est au rendez-vous. Quoi de plus logique dès lors qu'Atari souhaite décliner sa borne dans une version domestique à brancher au téléviseur familial ?
Mais ce n'est pas une mince affaire ! Il faut bien se rendre compte qu'à l'époque, une borne n'est pas conçue autour d'un microprocesseur et un programme, tout est conçu avec des circuits TTL en grand nombre, relativement chers, consommant beaucoup, et donc dégageant énormément de chaleur. Ce qui est acceptable pour une borne volumineuse et au prix de vente élevé ne l'est clairement pas pour une console domestique.
Heureusement Atari a engagé quelques années plus tôt Harold Lee, un ancien de chez Standard Microsytems. Il a chez son ancien employeur travaillé à la conception de chips custom, et celui-ci assure ses patrons qu'il peut mettre au point un circuit maison intégrant tout le câblage de la borne. Il se met au boulot, son travail est câblé et testé, et un prototype est mis au point et répond au cahier des charges. C'est avec ce prototype câblé (le chip custom n'est pas encore produit) que Bushnell part à la recherche d'un canal de distribution au grand public.
La rencontre qui change tout.
Autant Atari est autonome pour produire des bornes, autant c'est un débutant ignorant pour produire en grandes quantités un produit grand public. Le hasard, la chance et le talent d'orateur de Bushnell le mettra en rapport avec un responsable de la chaine de magasins Sears, Roebuck and Company, fort de plusieurs centaines de points de vente dans tout le pays. La démonstration du modèle câblé les convainc de son potentiel et, après d'âpres négociations, passe commande de 75000 pièces.
Bushnell reste fermement décidé à terme à commercialiser lui même sa console sous la marque Atari et, pour habituer le grand public à leur marque, arrive à négocier la présence de leur nom sur la console et sur la boite. C'est une grande première dans les partenariats entre Sears et ses sous-traitants.
En juillet 1975, le circuit LSI (large scale integration) intégrant des dizaines de milliers de transistors est prêt, et sa production peut commencer. Sears, fort de son expérience, sera encore une fois d'une aide inestimable pour trouver un producteur de boitiers en plastique ou, dernière étape cruciale, pour passer les test FCC (normes visant à limiter les perturbations électromagnétiques des appareils électriques). Ils seront également les garants d'Atari auprès des banques.
Atari est finalement en mesure de livrer ses 75000 consoles pour Noël 1975, qui seront proposées au public américain au prix de 99$ (l'équivalent tout de même de 434$ en 2014 !). Ce sera un énorme succès, Sears écoulera au total 150000 Pong dans ses 860 magasins.
Atari commercialisera la console sous sa marque à partir de février 1976.
Mais cela ne signifie pas l'arrêt de leur collaboration. En effet, les évolutions futures de Pong, de même que plus tard la vcs atari, seront également commercialisées sous la marque Sears Telegames.
Examinons maintenant cette console de plus près. Nous voici en présence d'un modèle tout droit venu de sa patrie de naissance, la Californie. Il s'agit donc d'un modèle NTSC. Le connecteur du câble antenne typiquement us est prévu pour être branché dans un boitier sélecteur (pour faciliter le branchement, en effet le câble est généralement vissé à l'arrière de la télé), je l'ai en conséquence remplacé par un connecteur coax classique.
N'ayant pas de cathodique compatible NTSC à disposition, je l'ai branchée sur mon led bravia full hd 46". Le signal étant puissant et stable, ce fut un vrai jeu d'enfant !
La console peut être alimentée par 4 piles "D" (LR20), ou par un transformateur :
Oublions de suite l'alimentation 110v qui m'a été fournie avec, j'ai utilisé un simple transfo ajustable (moins de 10 euros au brico) qui me servait pour mon Atari 2600. Attention cependant à baisser la tension de sortie à 6v (masse au centre), les 9v du 2600 risquant de méchamment la chatouiller !
Le son du jeu est émis par la console et il faudra couper le son à la télé car elle produit un bruit parasité en continu.
Les paddles (les roulettes de commande) ne sont pas détachables, elles sont fixées à la console. Mais pour pallier à cela, le câble antenne est très long (environ 4 mètres), ce qui permet sans problème de jouer bien installé dans son canapé !
La première chose qui frappe lorsqu'on met la console sous tension, ce sont les magnifiques couleurs qui ravissent votre rétine. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque, rares étaient les télés couleurs chez les gens (même aux usa), encore plus rares étaient les jeux vidéos en couleur. Au mieux, des autocollants colorés étaient appliqués sur les écrans des bornes. Quel choc cela dut être lorsque les heureux veinards propriétaires d'une télé couleur ont pour la première fois allumé la première console couleur de l'histoire chez eux !
Atari souhaitait se démarquer de leur concurrent inspirateur Magnavox, en livrant une console supérieure à tout point de vue, la couleur était incontournable. Il s'agit cependant d'un habile tour de passe-passe. En effet, vous constaterez après une rapide analyse que le circuit couleur est simplement lié au balayage horizontal, la couleur de chaque élément dépend de sa position horizontale à l'écran. Ainsi, la balle parcourant le terrain de jeu d'une raquette à l'autre change constamment de couleur. Très simple, mais tellement efficace !
Mais il est temps de lancer une partie ! Un appui sur reset et c'est parti. Le premier à 15 a gagné. Le service est automatique. Après un certain nombre d'échanges, la balle accélère automatiquement, et cela nous donne de magnifiques échanges très dynamiques. Plutôt que de vous livrer des images fixes et floues, je vous ai fait une petite vidéo qui témoigne du dynamisme du gameplay. Désolé pour sa piètre qualité, je ne suis pas trop équipé pour la vidéo :
(Ah oui, on me demande de préciser que mon adversaire avait un souci au poignet d'où son laminage MDR)
Malgré les presque 40 ans de ce modèle, les paddles restent fermes et répondent à la moindre sollicitation. C'est clairement du matériel de qualité qui a parfaitement traversé les années, bien mieux en tout cas que leurs homologues de l'Atari 2600, toutes affligées de la tremblante parkinsonienne (mais une solution existe) !
Alors oui, même aujourd'hui, c'est très fun d'affronter ses amis sur cette console ! J'ai eu l'occasion de tester d'autres Pong, mais celle-ci, malgré son statut de précurseur, est vraiment celle qui a le plus d'atouts !
Atari a bien sûr décliné des versions consoles à partir des évolution de leurs bornes : Super Pong, Super-Pong 10, Ultra-Pong... A ma connaissance, ce modèle n'a pas été exporté en Europe, il faudra vous tourner vers le marché américain pour vous offrir ce petit morceau d'histoire.