Infini est l'exemple typique de ces scenarii qui reposent sur une (et une seule) idée, de fin en l'occurrence, idée dont les auteurs sont si fiers que, du haut de leur infinie prétention, ils en oublient qu'il reste encore une heure trente à remplir avant l'orgasme promis (le leur, en fait). Mais c'est pas ça, le cinéma, désolé. Ou bien The Lost World : Jurassic Park serait (presque) un film acceptable (un t-rex dans les rues, mec, un foutu t-rex ! Dans les rues !).
Sans trop en dévoiler, la fameuse séquence, dans Infini, est un monologue prêchi-prêcha, ode à l'humanité, mais sortie d'un peu nulle part, et qui a notamment pour défaut de permettre l'inévitable final en flou artistique, porte ouverte à mille interprétations pour faire parler sur la toile (n'est pas Kubrick qui veut). Avant ça ? Un démarrage sous amphétamines, un fatras de choses éparses et insensées en guise de promesses mais qui ne seront au final d'aucune utilité, allez-y prenez note : dilatation spatio-temporelle, petite amie enceinte, romance supposée entre membres de l'équipage, téléportation dangereuse si elle échoue, et j'en oublie. C'est noté ? Bien, vous pouvez déchirer vos copies et oublier tout ça très vite, tout ceci ne sera qu'évoqué rapidement, et n'aura strictement aucune incidence sur le cours des choses. Vous avez dit "remplissage" ? Oui.
Tout le reste n'est qu'un long tunnel de scènes d'actions au montage épileptique qui semblent échappées des pires jeux vidéo en QTE (sachant que le jeu vidéo a déjà cette fâcheuse tendance à emprunter au cinéma ce qu'il fait de pire, je vous laisse le loisir d'imaginer un film s'inspirant de jeux moyens s'inspirant de mauvais films), mise en scène façon clip, couloirs bardé de jets de fumée, effets spéciaux tape-à-l’œil inutiles. Ah, question : quelqu'un, parmi ceux qui sont à l'origine de cette pellicule, a-t-il seulement songé à esquisser une sorte d'architecture, même vague, de la fameuse station ? Parce que, pour rappel, il s'agit là d'un huis-clos, nos personnages sont enfermés, prisonniers. Pourtant, nulle suffocation, rien ne semble limiter le moins du monde les mouvements, les gens entrent et sortent du cadre comme ils vont et viennent dans la station, l'ensemble "respire" fort bien, et nous aussi, merci. Mais de tension nerveuse, point. Alors, il faut bien la créer, au marteau-pilon si nécessaire, les scènes d'hystéries s'enchaînent, le sang afflue et gicle de toutes parts, la violence pleut, mais hélas, sans danger pour le spectateur mi-médusé, mi-assoupi, toute identification lui étant rendue impossible par le mépris dont Shane Abbes inonde ses personnages, et leur sort importe finalement bien peu. A l'exception de la petite copine enceinte, que le réalisateur aime visuellement beaucoup, ça se sent, mais dont il ne sait pas davantage ce qu'il conviendrait de lui faire dire ou faire.
Pire : Infini échoue même à nous faire nous sentir "loin", fragiles, minuscules, ce qui est pourtant le minimum pour un film "sérieux" censé dérouler son action à l'autre bout de l'univers, non ? Eh bien non, la faute au mode de transport (téléportation), et au fait que tout ceci, par le truchement des courbures de l'espace-temps, ne dure que quelques minutes terrestres. Voilà ce que c'est que de vouloir bourrer son œuvre d'idées super cool sur le papier : elles finissent par se tirer mutuellement une balle dans le pied.