[TEST] Adventure / Atari 2600

Publié le par RudolfIII

ADVENTURE
Support : Atari VCS (2600)
Développeur : ATARI
Sortie : 1979

[TEST] Adventure / Atari 2600

Adventure est un jeu créé par Warren Robinett, terminé en 1979 (ça ne nous rajeunit pas) mais sorti (ce n'est pas clair) soit fin 1979, soit tout début 1980 aux Etats-Unis, d'après ce que j'ai compris. C'est un jeu qui avait eu du succès à l'époque (un million de ventes sur VCS), mais qui était un peu tombé dans l'oubli, avant que le livre, puis surtout son adaptation cinématographique Ready Player One par Steven Spielberg, ne le fasse un peu renaitre !

[TEST] Adventure / Atari 2600

Toutefois, j'ai l'impression qu'on retient seulement ce jeu en tant que "premier easter egg de l'histoire du jeu vidéo", ce qui n'est pas faux en soi, mais c'est quand même très réducteur car il est beaucoup plus que ça : le premier jeu d'action/aventure, donc le pionnier d'un genre rendu populaire avec des séries comme Zelda, rien que ça ! C'était aussi une sorte d'adaptation en "version graphique" d'un autre jeu d'aventure cette fois 100% textuel, sorti vers 1976-1977 (ça nous rajeunit encore moins ! ), appelé Colossal Cave Adventure, sorti uniquement au départ sur les ordinateurs d'universités américaines (genre, "PDP-10" et autres joyeusetés du même genre) et qui avait impressionné Warren Robinett. On sent aussi qu'il a été influencé par Donjons & Dragons, pour l'imaginaire "Fantasy" que véhicule Adventure et qui était visiblement assez nouveau dans un jeu d'action de l'époque.

Colossal Cave Adventure : place au pouvoir de l'imagination du joueur !

Colossal Cave Adventure : place au pouvoir de l'imagination du joueur !

Le principe est très simple : on démarre toujours devant le "Golden Castle" et le but est de ramener le calice (ou le "Graal", si on veut) à l'intérieur de ce château. On dirige un héros fort charismatique et au design très recherche : un simple carré (bah oui, on est sur VCS, en 1979, donc avec les limitations techniques de l'époque).

Début de l'aventure

Début de l'aventure

Le gameplay, là encore, est très simple : un joystick (sinon, une croix directionnelle ou un joystick plus moderne si on joue avec les manettes actuelles) pour diriger notre personnages (et dans huit directions, attention : les déplacements diagonaux sont donc bien gérés ! ), et un simple bouton pour déposer les objets qu'on transporte, sachant qu'il suffit simplement de toucher un objet pour le porter. Les objets sont :

- la clé jaune ouvrant le Golden Castle ;
- la clé blanche ouvrant le White Castle ;
- la clé noire ouvrant le Black Castle ;
- l'épée (en forme de flèche jaune) pour terrasser les dragons (il faut les toucher avec l'épée, mais ce n'est pas toujours très précis au niveau des collisions) ;
- un pont pour traverser les murs ;
- un aimant pour attirer les objets vers soi (pratique quand ils sont coincés dans le décor ou de l'autre côté d'un mur, rendus inaccessibles à pied) ;
- et bien sûr le fameux calice nécessaire pour terminer le jeu en le ramenant au Golden Castle.

Le calice (en jaune) et l'aimant (en noir)

Le calice (en jaune) et l'aimant (en noir)

Niveau ennemis, on a trois dragons : un jaune, un vert et un rouge, qui se situent par défaut dans des zones plus ou moins pré-définies, et censées avoir une IA légèrement différente (les seuls trucs que j'ai remarqués, c'est que le dragon rouge est le plus dangereux pour sa vitesse, que le jaune est le plus lent et qu'il craint la clé jaune quand on la transporte ou qu'elle se trouve au sol).

Il faut bien comprendre qu'un dragon ne nous avale pas du premier coup quand on les touche. En fait, quand on les touche, ça les fige temporairement et ils ouvrent leur gueule : c'est à ce moment-là qu'il faut absolument s'écarter vers la gauche pour se ne pas se faire bouffer. Il faut aussi remarquer que le dragon se tournera toujours vers la gauche, et que si par exemple on le touche par la gauche, le sprite de notre héros se retrouve "téléporté" à gauche de la gueule ouverte du dragon, donc attention au réflexe qu'on peut avoir à ce moment-là à nous déplacer vers la droite (bah oui, vu qu'on touche le dragon sur sa droite, naturellement on se dit qu'il faut aller à droite pour fuir sa gueule, mais non, surtout pas car sa gueule se tourne vers la gauche et notre avatar est lui-même propulsé à gauche de la gueule béante). Une fois qu'on a compris tout ça, on peut vraiment jouer là-dessus, en choisissant par exemple de se faire toucher délibérément au bon endroit pour figer temporairement le dragon et en profiter pour se faufiler. Du coup, il y a quand même une petite dimension "combat" et jeu d'action dans ce jeu-là, je ne m'y attendais pas et ce n'est pas désagréable (le jeu peut devenir "nerveux" par moment, surtout au niveau 3 où on peut très bien se faire courser par trois dragons ! ).

Un canard... euh, je veux dire, un dragon, mais heureusement, on transporte une flèche... euh, une épée, pardon.

Un canard... euh, je veux dire, un dragon, mais heureusement, on transporte une flèche... euh, une épée, pardon.

Et on a une chauve-souris noire un peu kleptomane qui a la fâcheuse manie de nous chiper les objets qu'on transporte si elle nous touche (genre, le calice si on l'a trouvé, ahum ! Mais sinon elle nous chipe les clés, l'aimant, le pont, l'épée). La chauve-souris pousse même le vice au point de transporter les dragons ! Par contre, subtilités, si on touche la chauve-souris avec le bon angle, on peut carrément porter la chauve-souris et l'objet qu'elle trimballe avec elle, d'un écran à un autre. Cette chauve-souris est une riche idée qui donne lieu à pas mal de situations cocasses (ou énervantes ^^), rajoutant du piment imprévisible à l'aventure.

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Il y a aussi un autre truc à savoir : il est possible qu'un dragon abattu nous bloque la route. A moins que la chauve-souris se pointe aléatoirement pour transporter le dragon mort, il est possible, et ça, la notice du jeu l'explique, de venir avec un ou plusieurs objets pour déclencher des clignotements, nous permettant ainsi de passer à travers le dragon : ça m'a scié car je crois que c'est la première fois de ma vie que je vois une notice expliquer au joueur comment exploiter un "bug" (mais la notice ne le qualifie pas comme tel) pour s'en sortir ! A ce propos, ils expliquent d'ailleurs qu'à ce moment, il est à la fois plus difficile de tuer un dragon avec l'épée (vu qu'il est presque intangible) et plus facile de fuir un dragon qui essaie de nous manger s'il nous touche (là encore, je suis sidéré de voir une telle explication dans une notice : comment exploiter un "bug" ou en être victime, sans en employer le mot). En tout cas, la notice fait partie des bons points du jeu car elle est très claire, bien explicative (elle explique aussi comment on peut, par exemple, transporter une chauve-souris transportant un objet et faire en sorte qu'elle l'échange avec un autre objet posé au sol par exemple, mais aussi que la chauve-souris transportée peut très bien s'enfuir au pire moment).

Il est aussi intéressant de connaître la raison d'être de l'aimant dans ce jeu : il a été créé pour... résoudre des "bugs", ou plutôt pour pallier les problèmes liés à l'aléatoire avec la chauve-souris ou aux objets posés à des endroits inaccessibles à pied, afin de récupérer un objet à distance. Un cas typique, c'est le joueur qui dépose un objet en plein milieu d'un mur, car si l'objet transporté devient "intangible", ce n'est pas le cas du héros qui ne peut pas traverser les murs (à moins qu'il n'y ait le pont), donc c'est dans ce genre de moment que l'aimant (ou sinon la chauve-souris, mais c'est hasardeux) peut nous aider à le récupérer. Une excellente idée, encore une fois.

Sinon, il y a des choses sur lesquelles Adventure est vraiment précurseur. Déjà, ce n'est pas un jeu à score, mais un jeu avec un vrai but et une fin (bon, sans générique ni musique, hein ! ), ce qui est rarissime à l'époque. Ensuite, on est surpris à y trouver déjà des éléments qu'on retrouvera plus tard dans d'autres jeux d'action-aventure, y compris les Zelda ! Exemples :

- il n'y a pas de vrai game over : si on se fait bouffer par un dragon, on a la possibilité de recommencer devant le Golden Castle, ce qui a pour effet de, certes, ressusciter les dragons qu'on avait pu tuer, mais surtout l'aventure conserve l'emplacement des objets avant notre mort, sans oublier que les portes déverrouillées restent ouvertes ! Ca aussi, c'est quasiment unique pour l'époque.

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Le petit carré violet à l'intérieur du dragon vert symbolise notre avatar bouffé par le dragon, mais pas de panique : il y a une option "Continue" déguisée en activant le levier adéquat sur la console (ou dans le menu virtuel si on y joue sur un autre support comme moi avec la Switch) !

- c'est un des premiers exemples de monde ouvert, et dans lequel les "tableaux" ne sont pas déconnectés les uns des autres (en plus on passe de l'un à l'autre de manière fluide et rapide, sans saccade, du bon boulot), à l'époque où les jeux vidéo tenaient généralement sur un seul écran. Attention, au début on peut être surpris que les labyrinthes, châteaux et catacombes soient "déconnectés du monde ouvert" : ils forment des "boucles infinies" avec une seule entrée (et une seule sortie si elle existe, sinon il faut repasser par l'entrée). Il ne faut donc pas trop s'étonner si, par exemple, depuis le monde extérieur (on va dire la "plaine"), on va à gauche, puis en haut pour atteindre un labyrinthe, puis à droite dans ce labyrinthe, et quand on va en bas... on est à un autre endroit du labyrinthe et non pas de retour sur la plaine (donc c'est comme si l'entrée du labyrinthe était une sorte de portail interdimensionnel menant à un autre niveau coupé du monde extérieur). Au début, ça m'a bien perturbé car je ne comprenais pas où j'étais, mais ensuite ça allait mieux. Le jeu comporte en tout quelques dizaines de tableaux.

- le pont permettant de franchir les murs, fait vraiment penser à l'échelle qui permet de franchir une case aquatique dans Zelda 1.

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Les lignes violentes symbolisent les bordures gauche et droite du "pont" : on peut donc traverser le mur bleu (à moins qu'il ne s'agisse d'une rivière ? Ce n'est pas clair) qui se situe au milieu de ces deux bordures du pont !

- le coup de l'ennemi volant qui nous pique des objets, ça aussi, c'est un truc qu'on retrouvera dans les Zelda ;

- le principe consistant à transporter un objet à la fois, et à terminer le jeu en ramenant LE bon objet à la maison, c'est un truc qu'on retrouvera dans d'autres jeux d'action-aventure sortis plus tard, comme le premier Dragon Slayer de Falcom sorti vers 1984 sur les PC japonais ;

- le fait de devoir trouver des clés pour ouvrir des portes de "donjons" qui renferment un labyrinthe à explorer, ça aussi, c'est du Zelda avant l'heure ;

- même le fait d'explorer et de trouver une arme (ici, une épée) pour pouvoir combattre les ennemis ;

- on a même des options pour changer le mode de difficulté : le levier de gauche sert à changer un peu le comportement des dragons qui sont plus ou moins agressifs envers nous, tandis que le levier de droite fait en sorte que les dragons nous fuient ou pas si on transporte une épée. Mais on a aussi un "niveau 1" nous faisant explorer un monde simplifié, plus facile et court, tandis que le "niveau 2" nous fait jouer le jeu complet ;

- une zone "plongée dans le noir" (symbolisant les catacombes), où, concrètement, on ne voit rien à plus de deux pas : les endroits trop éloignés de notre avatar sont invisibles, donc il faut s'approcher pour voir les murs ;

- enfin, autre truc admirable : le jeu dispose d'un "niveau 3" qui est un mode "aléatoire" : on a le même monde que le niveau 2, mais tous les objets, y compris les dragons, sont placés à des endroits totalement aléatoires. Et bien ça, ça préfigure Rogue sorti en 1980 sur les ordinateurs américains et tous les "Rogue-like" qui sont maintenant devenu populaires avec la scène indépendante, ainsi que tous les trucs du genre "Randomizer" qu'on applique à des jeux pour changer l'emplacement de tous les objets.

Sur ce dernier point, j'ai fini deux fois le jeu au niveau 3, ce qui m'a permis de voir des situations assez marrantes. La première fois, les trois dragons étaient pratiquement tous concentrés dans la même zone, sans épée à proximité, donc c'était une grosse galère pour se faufiler, et même pour les vaincre avec l'épée que j'ai trouvée d'ailleurs. Mais ce qui est bien dans ce jeu, c'est qu'une fois tous les dragons tués, bah, ça y est, ils sont définitivement morts vu qu'on ne peut plus mourir, à moins qu'on réinitialise le jeu, donc on est tranquille pour trouver le calice et le ramener au bon endroit (même si la chauve-souris peut s'en mêler). J'ai pu ainsi terminer le niveau 3 une première fois.

Quant à la deuxième fois, alors là, c'était rigolo : j'avais fini par trouver le Graal, mais évidemment que la chauve-souris me l'a piqué (puis je me suis fait bouffer par un dragon). Je retrouve la chauve-souris transportant le Graal : j'ai voulu essayer un truc en m'arrangeant pour prendre la chauve-souris, puis la trimballer avec le Graal qu'elle portait jusqu'au Golden Castle. Et bien, ça a marché, j'ai pu finir la partie comme ça : pas mal, franchement !

Bref, c'est dans ce niveau 3 qu'on se rend encore plus compte du côté "émergent" que peut avoir le gameplay du jeu. Il est aussi possible qu'une chauve-souris transportant l'épée empale un dragon avec (ça m'est arrivé une fois, je n'en revenais pas). Apparemment, je n'ai pas encore testé, mais il est possible soit de démarrer la partie directement avec un dragon à coté du Golden Castle, soit carrément de démarrer à côté du Graal (mais il faut quand même trouver la clé dorée pour ouvrir le Golden Castle). Il est apparemment possible que certaines configurations aléatoires aboutissent à une partie impossible à finir dans ce niveau 3, mais je n'ai pas testé jusque-là pour le vérifier.

Bon, il faut quand même que je parle de l'autre truc qui a rendu le jeu célèbre, ce pour quoi il est désormais connu aujourd'hui, c'est le fameux "easter egg". Le principe ici consiste à trouver un pixel invisible (on peut quand même le voir si le pixel qu'on transporte traverse un mur coloré : à ce moment-là, on verra un point blanc sur ce mur) dans un endroit précis, accessible uniquement grâce au pont, qu'il faut placer à un écran précis (et avec d'autres objets qui doivent être présents également) pour que le "mur" se mette à briller et qu'on puisse le traverser, nous faisant accéder à la fameuse salle secrète où on peut lire le nom du développeur (époque où Atari interdisait à ses développeurs de donner leurs noms sur ses jeux, pratique assez courante aussi hors du jeu vidéo comme dans les comics américains au début). A noter que ce pixel est le seul objet du jeu qui reste à la même place, même au niveau 3, que l'aimant ne peut pas l'attirer, et je n'ai pas non plus l'impression que la chauve-souris noire peut le transporter (putain, encore heureux, sinon, ce serait impossible de retrouver où elle le déposerait, ce pixel invisible ! ).

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En tout cas, pour tout amateur de jeux d'action-aventure et en particulier des Zelda, j'estime qu'Adventure est un jeu à faire au moins une fois dans sa vie (d'autant plus qu'il n'est pas si dur que ça une fois qu'on a compris le principe du jeu et qu'on n'est pas trop rebuté par les graphismes primaires) : niveau 1, niveau 2, et l'easter egg (je me suis aidé quand même d'une soluce et en jouant un peu sur les leviers modifiant le comportement des dragons), le niveau 3 aléatoire étant plus une sorte de bonus qui renouvelle les sensations en y apportant plus de piment et de rejouabilité. C'est ce que j'ai fait (j'ai même, sur Switch via la compilation des 150 jeux d'Atari, fait involontairement le succès consistant à finir le niveau 2 sans tuer le moindre dragon, et ensuite j'ai fait plusieurs essais jusqu'à terminer le niveau 1 en moins de quarante secondes, avant de terminer deux parties au niveau 3). On sent bien qu'avec le peu de mémoire et de technique dont disposait la VCS, le jeu regorge d'astuces de programmation (le développeur a même récupéré des éléments issus de Pong ! ) pour faire un résultat convaincant et toujours sympa à jouer aujourd'hui. D'autres jeux s'inspireront plus ou moins d'Adventure sur VCS, comme les SwordQuest ou Haunted House, et c'est le début d'un genre qui continuera à être débroussaillé par d'autres développeurs et studios comme Ultimate/Rareware (Atic Atac, Sabre Wulf, Knight Lore), Falcom (Dragon Slayer, Xanadu), T&E Soft (Hydlide), ceux qui ont fait Rogue ou encore Gateway to Apshai, et bien sûr Nintendo avec The Legend of Zelda.


Bref, après Pitfall, Combat, et maintenant Adventure, je continue à être agréablement surpris par ce que certains développeurs ingénieux pouvaient sortir sur VCS, avec tant de limitations techniques et aussi peu de mémoire. Et ce jeu Adventure est sans doute le premier mariage (réussi) entre la nervosité d'un jeu d'action et la réflexion d'un jeu d'aventure, tout en préfigurant beaucoup de choses qui seront faites plus tard et approfondies dans d'autres titres sortis plus tard : un jeu d'action-aventure, en somme.

Publié dans RETROGAMING, UNE

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