[DOSSIER] Philippe Ulrich : l'histoire d'un pionnier français - PART II
La suite?! vraiment ?!! Bon aller d'accoooord. On vous le rappelle, parce que vous n'avez pas de tête : Philippe Ulrich venait tout juste d'intégrer le tout jeune et ambitieux studio d'Emmanuel Viau "ERE informatique".
Rue de Leningrad , Paris... 8ème arrondissement, au fond à gauche après les arbres. Quelques mois passent, quand, lors d'un froid matin d'octobre, Ulrich, commence à sentir venir la tendinite au moment de débuter la programmation de sa 74ème version/portage de son propre jeu "Panique". Il faut dire qu'a l'époque environ 8,3 nouveaux micro-ordinateurs sortaient chaque jour !
Ces chiffres sont basés sur un sondage IFOP/SOFRES/SBOUB sur "l'idée que je me fait de la micro informatique de l'époque", tout ce qu'il y a de plus officiel donc !
Revenons à notre tendinite vous voulez bien ? Ne se sentant pas l'âme d'un démiurge....enfin pas encore, Ulrich se dit que ça serait une bonne idée de commencer à rechercher des collaborateurs plein de talents pour l'aider à étoffer un peu le catalogue d'ERE.
Il va alors passer une petite annonce dans "rencontres hot entre programmeurs Magazine" la référence à l'époque, pour enfin ne plus se sentir seul. Le premier à piquer la curiosité de Philippe sera un homme à grosse lunette, pourvu d'un très très gros cigare... Marc André Rampon.
Mais attention !!! Pour rentrer dans le bureau d'Ulrich il faut d'abord commencer par montrer patte blanche, en proposant un jeu par exemple. Et ça tombe plutôt pas mal, Rampon s'amuse depuis quelques mois à programmer un simulateur de vol très complet avec pas moins de 45 instruments : "Interceptor Cobalt" programmé pour le ZX81 de Sinclair !
... qui deviendra quelques mois plus tard "Mission Delta" pour la sortie Amstrad CPC, il sera le premier succès d'estime du studio !
Bon d'accord, c'est pas encore une montagne de fun mais techniquement c'était une prouesse à l'époque. Cette époque justement, où on pouvait croiser au détour d'un bar parisien, un Ulrich, un Rampon ET un Laurent Weil alors directeur de Loriciel, tous 3 musiciens, faire un bœuf endiablé jusqu'au bout de la nuit !
Mission Delta fonctionnera bien, très bien même, à tel point que Rampon se verra catapulté directeur de production chez ERE.
...
Pour faire venir un maximum d'artiste au studio, Ulrich va avoir cette ingénieuse idée de faire passer des annonces dans les manuels de leurs jeux !
Pas fou le gars, il savait bien que les premiers susceptibles de s'intéresser à la conception de jeux vidéo... bah ça seraient ceux qui y jouent !! Et dès lors, c'est quotidiennement qu'il va recevoir des jeunes talents. En programmation mais aussi en scénario, en illustration, en composition, en graphismes, tout ce dont un studio de développement de jeu vidéo a besoin finalement.
Philippe n'a qu'a choisir parmi ce qui se fait de mieux en France, et tombera sur des perles comme Michel Rho par exemple, illustrateur, à qui l'ont doit bon nombre de jaquettes de jeux.
Ou Johan Robson, Alias Arbeit Von Spacekraft, pseudo qu'il utilisera pour écrire son premier jeu, Crash Garrett, un jeu d'aventure textuel situé en pleine seconde guerre mondiale.
Plus tard, cet homme sera à la conception d'un jeu qui parlera probablement à plus de monde, Dragon's lore. Stéphanie Picq aussi, fera rapidement son entrée chez ERE informatique, compositeur de talent, entre autre de la merveille qu'est l'OST de DUNE... mais ça, on aura le temps d'y revenir.
Une des choses les plus importantes chez "ERE", mise en place par Ulrich et qui sera fondamentale pour lui, c'est la notion d'auteur de jeux vidéo, qu'on peut tout à fait mettre en relation avec la "politique des auteurs" dans le cinéma des années 60 en France, et qui stipule qu'un film ou qu'un jeu en l’occurrence, appartient à ses auteurs.
Et Ulrich va faire en sorte de toujours mettre en avant les artistes, au moins autant que le studio lui même. Leurs noms seront alors clairement affichés sur les jaquettes de jeu ainsi que dans l'écran titre.
Parfois même dans certaines publicités presse qui portaient alors les créateurs en héros. Il faut savoir qu'à l'époque, la grande majorité des studios dans le monde, fonctionnaient en total opposition avec cette philosophie. Les auteurs étaient sous contrat chez un développeur et n'avaient qu'un statut d'employé.
Les jeux développés étaient alors la propriété du studio, et non de ceux qui l'avaient réalisés. A aucun moment n'était fait mention de leur nom. Ce qui forcera certain programmeurs à contourner les règles et à insérer leurs noms au sein des jeux, comme l'avait fait l'équipe de "rescue of fractalus" chez "Lucas art" en apposant leurs initiales à l'envers sur la combinaison du fameux alien.
La force d'ERE était justement de n'employer aucun artiste mais de les faire travailler en tant que travailleurs indépendants. il n'étaient alors pas rémunérés avec un salaire, mais en royalties sur la vente de leur jeu, tout en percevant de belle avance sur le jeu, pour voir venir.
Aujourd'hui encore, les jeux d'ERE Informatique appartiennent à leurs auteurs. L'autre différence majeures, était qu'ils pouvaient alors travailler avec n'importe qui, il n'y avait aucune exclusivité envers un studio.
C’était ça, la patte "ERE Informatique", et c'est cette assurance d'un totale liberté de travail qui amènera dans les bureaux d'Ulrich autant d'artistes talentueux.
à suivre...