[RETROGAMING] A Nightmare on Elm Street / Nes
A Nightmare on Elm Street / Nes
Support : Nes
Versions alternatives : PC MS-DOS, Commodore 64
Développeur : Rare
Sortie : Eté 1990
Longtemps, l’apposition d’un « seal of quality » sur les cartouches a permis à Nintendo de surveiller scrupuleusement les softs qui arrivaient dans la ludothèque de sa 8 bits de salon. À une époque où le jeu vidéo est considéré comme un jouet, pas question d’un scandale avec un titre malvenu. Pourtant, la NES a vu l'édition de softs surprenants dont des adaptations de films inattendues. Parmi celles-ci, nous retrouvons un certain Freddy…
Figure horrifique indissociable des années 80, Freddy a connu une popularité croissante à mesure de ses apparitions au cinéma. En 1988, c’est le jackpot, Le Cauchemar de Freddy (A Nightmare on Elm Street 4 : The dream master) débarque en salles et fait un carton dans le monde entier. Plus fun, plus branché, plus « MTV compatible », le personnage séduit un public de plus en plus jeune.
Fort de ce succès, Robert Shaye, patron de la New Line Cinema, décide d’exploiter la licence au plus fort de sa vogue. Outre la mise en chantier obligatoire d’un cinquième film, une série TV (sorte d’ancêtre des Contes de la Crypte) est lancée dans la foulée, en même temps qu’un max de goodies. Des figurines, à la paire de gant en plastique, en passant par les pyjamas, le tueur de Springwood a sacrément lissé son image et le jeu-vidéo n’échappe pas à la mode.
Le "phénomène" Freddy aux Etats-Unis durant les 80's : ci dessus l'extrait d'un catalogue de goodies, en dessous la couv' de VidéoGames&computer de novembre 1989.
À deux griffes de la polémique ?
Le développement du jeu, initié après le succès retentissant de ce quatrième opus, est annoncé dès septembre 1988 dans les pages du magazine américain Nintendo Power. Dans une rubrique consacrée aux futurs titres de la console 8-bits de Big N, on apprend que deux franchises horrifiques feront bientôt leur apparition : Vendredi 13 et « Freddy » (comme on le surnomme dans le pays de Bernard Minet). La présentation est simple : le joueur incarnera le célèbre tueur d'Elm Street, avec pour mission, de traquer des adolescents.
Ci-dessus : deux previews parues dans Nintendo Power : à gauche, en 1988, pour l'annonce de la production du titre, à droite, pour les premiers screeshots.
De rares images de ce prototype réapparaitront dans le magazine l’année suivante. Surtout, c’est une affiche promotionnelle…peu ordinaire sur NES qui confirmera l’orientation du titre.
Finalement, les développeurs optèrent pour une approche plus prudente : incarner des adolescents confrontés à la légende de l’horreur. Ce choix, somme toute « logique » pour l’époque, permettait d’éviter toute controverse auprès des associations de parents et de Nintendo of America, qui distribuait alors la console dans les magasins de jouets. En 1990, un titre axé sur des assassinats aurait suscité une vive réaction et compromis l’image de tout éditeur. De plus, les développeurs se souvenaient probablement de la réception mitigée, en 1983, du jeu Texas Chainsaw Massacre sur Atari 2600, où le joueur incarnait Leatherface et devait massacrer tout sur son passage. Cette approche avait provoqué une polémique aux États-Unis, poussant certains revendeurs à refuser de le distribuer, aboutissant à un échec commercial pour l’éditeur Wizard Video Games.
Freddy Bros
C’est finalement un titre très sage qui arrive sur notre Nintendo Entertainment System à l’été 1990. Edité par l’infernal LjN (en réalité, Acclaim) mais développé par un futur très grand nom : Rare Software, le soft se présente comme une rencontre improbable entre Freddy, Castlevania et Super Mario Bros. Contrairement à l’opus MS-DOS sorti l’année précédente, qui suivait l’histoire du troisième opus, la version NES ne prétend pas être influencé par un épisode en particulier. À l’allumage, Freddy, avec sa gueule de grand brûlé et ses griffes, reprise d’une affiche pour le second opus Freddy’s Revenge, constitue déjà une vision atypique pour le support, mais c’est surtout à l’écran de sélection que la première surprise s’opère : 1, 2, 3 ou 4 joueurs ! Le titre de Rare entend être une expérience multi, chose peu courante surtout pour ce nombre d’équipiers, d’autant que celle-ci est en simultanée ! Un joyeux bordel en perspectif.
Toujours est-il que le jeu s’avère chiche en options puisque celles-ci sont tout simplement absentes. C’est donc dans la foulée que le joueur est transporté dans la célèbre rue Elm où déambule toute sorte de monstruosités. Vous incarner l'un des "dream-warrior" (nom donné aux ados qui affrontent Krueger dans le monde des rêves) et votre but sera de visiter plusieurs lieux afin de récupérer les ossements du tueur (idée dérivée du troisième film) afin…de les cramer dans la célèbre chaudière. Pour ce faire, il faudra visiter divers lieux : de vieilles baraques essentiellement, mais aussi une casse, un cimetière… et ce, dans un ordre précis. Pour vous défendre, vous ne serez alors armé que de vos poings et de votre habileté à esquiver les ennemis par des sauts.
Seulement, Freddy étant le maître des rêves, votre personnage tombera aléatoirement dans les bras de Morphée, transformant l’environnement en une nuit bleutée. Les ennemis changeront alors et il vous faudra rapidement vous réveiller sous peine de rencontrer le tueur au pull dégueulasse. L’enjeu étant alors votre survie et éviter le game over, Fred assénant de redoutable coups de griffes…Heureusement, durant cette transition onirique, il vous sera possible de vous transformer en un "super guerrier" (là aussi, idée dérivée du troisième film) à travers les éléments récoltés. Vous serez ainsi un sorcier, un athlète ou un ninja. Pour vous réveiller, il vous faudra trouver un poste de radio ou tout simplement, battre Freddy dans sa forme de boss optionnelle.
Avec des environnements hérités des troisièmes et quatrième opus de la franchise, le jeu nous confronte à divers boss vus précédemment dans ces films (le serpent Freddy du 3 ou les « griffes volantes » du 4) et d’autres plus « farfelues » (Freddy fantôme ?!). Pour affronter tout ce petit monde, nous n’aurons pas moins besoin de cinq vies et deux continues par joueur. Un choix plutôt généreux pour un jeu à la difficulté variable...
Un soft LjN aiguisé
Pour un titre estampillé LjN, A Nightmare on Elm Street s’en sort honorablement. D’une part, miracle, c’est…jouable ! Sans atteindre, la perfection de son futur Donkey Kong Country, Rare signe un jeu relativement maniable, même si on peut regretter quelques latences dans les sauts. Graphiquement, en 1990, on a clairement vu mieux sur la bécane de big N. Les sprites et les décors ne sont guère inspirés entre des design grossiers et « déjà-vu » le soft n’est clairement pas dans le haut du panier. Les animations sont du même acabit, avec un résultat des plus simpliste. À titre de comparaison, la même année, Sunsoft sort son magnifique Gremlins 2 sur la même machine.
Comme principal point fort, nous retiendrons surtout les musiques entrainantes, laissant même entendre les notes de la fameuse contine (1,2, Freddy te coupera en deux… ) avant chaque apparition du boogeyman.
Freddy en Ntsc
Comme d’autres titre LjN, celui-ci restera limité à l’Amérique du Nord malgré la popularité du croquemitaine en Europe et au Japon. Il faut dire que Freddy se meurt en même temps que les 80’s. La sortie du cinquième film en 1989 a globalement été un échec aux Etats-Unis (pas aidé par l’un des étés les plus surchargé en blockbusters (Batman, Ghostbusters 2, L’arme Fatale 2, Abyss, Simetière…). Chez New Line, on envisage d’enterrer la poule aux œuf d’or avec la production d’un sixième opus intitulé sobrement Freddy’s Dead…
Il n’empêche que cet opus NES reste la seule véritable incursion de l’emblématique Freddy sur console. Il faudra attendre…21ans pour revoir Freddy Kreuger en pixel…sous les traits de sa version remaké dans Mortal Kombat (9) puis en 2017, dans le DLC de Dead by Daylight.
Manquant de profondeur et techniquement limité, A Nightmare on Elm Street n'est hélas pas le jeu badass espéré. À défaut d’être un hit, il reste une curiosité potentiellement appréciable pour les fans du célèbre boogeyman.