[TEST] Kraut Buster / NeoGeo
KRAUT BUSTER
Support : NeoGeo
Développeur : NG:Dev.Team
Sortie : 2019
Kraut Buster (クラウト・バスター) est un run & gun sorti en 2019-2020, exclusif aux formats MVS/AES et s’inspirant fortement des licences Metal Slug et de Contra. Il s’agit du 6ème titre de la NG:Dev.Team, un studio de développement allemand qui s’est spécialisé dans les homebrews Neo Geo (même si certains jeux sont également sortis sur Dreamcast et Switch). Ce soft constitue sans aucun doute leur projet le plus ambitieux. Il a nécessité plus de 4 ans de développement et la cartouche pèse 808Mb (2 fois moins que Razion quand même). L’équipe a opté pour un style pixel art rendant hommage à Metal Slug, là où leurs précédentes productions, beaucoup moins chronophages, utilisaient la technique du pre-rendering.
Le développement a connu de nombreuses embûches, l’équipe ayant dû drastiquement revoir sa copie après un premier trailer fortement critiqué par la communauté Neo Geo (concernant notamment l’aspect des principaux protagonistes, grossièrement dessiné). La team est composée de 5 personnes principales : Tim Hellwig (producteur, directeur, également en charge des mécaniques de gameplay, du game design, etc.), Konstantin Karpeniuk (responsable de la DA, des arrière-plans, du level design, etc.), Marat Khazarzhan (qui s’est occupé des animations, des arrière-plans, du level design, etc.), Rafael Dyll (le compositeur) et Armen Mardirossian (qui a conçu les cinématiques d’introduction et de fin).
L’introduction est un modèle du genre et figure parmi les plus belles vues sur Neo Geo, avec un souci de la mise en scène et un pixel art qui imposent le respect. Les plus observateurs d’entre vous noteront le clin d’œil assumé à Robo Army.
L’histoire prend place en 1936, dans un pays fictif germanique, Krautland. Vous faites partie d’une unité de combat d’élite, les Kraut Buster Corps. Votre objectif consiste à vaincre un dictateur sanguinaire, Dulph Edelwolf, et de sauver tous les poussins (!).
La cartouche dispose de sa propre pile de sauvegarde, tous vos high-scores seront donc automatiquement enregistrés. Après un « How to play » typique des productions Neo Geo, vous pourrez opter pour 2 modes au choix, le T-Mode et le C-Mode, sur lesquels nous reviendrons un peu plus tard. Il existe à chaque fois 3 modes de difficulté, symbolisés par des grades militaires. Enfin, le roster est constitué de 3 personnages, 2 masculins et 1 féminin : John “Kuken” Malone, Jack “Handsome” Rowdy et Valeria “Bona” Bossa (qui porte bien son surnom). Leur chara design s’avère plutôt générique et on pourra regretter que les différences soient purement et simplement d’ordre esthétique…
Kraut Buster marque un véritable gap avec les autres productions Neo Geo de la scène homebrew, souvent indignes de la Rolls sur les plans visuel et technique. Dans un style européen avec une ambiance Wolfenstein très marquée, le titre fourmille de détails, avec de nombreux éléments destructibles, des explosions très bien reproduites et un déferlement de sprites à l’écran. Si le niveau de détail s’avère inférieur à celui d’un Metal Slug, Kraut Buster fait très fort en termes de fluidité : aucun ralentissement ou presque n’est à déplorer (même en mode 2 joueurs), le jeu affiche un 60fps constant. Prends ça dans ta face Metal Slug ! Cependant, les animations sont clairement en retrait par rapport aux jeux estampillés Nazca, quelques étapes d’animation supplémentaires n’auraient pas été de refus…
Les teintes pastel tranchent avec les environnements de la plupart des autres titres Neo Geo, souvent beaucoup plus sombres et moins chatoyants (les Metal Slug en tête). Le jeu est extrêmement gore : têtes décapitées, colonnes vertébrales arrachées, personnages brûlés vifs ou qui se dissolvent après avoir reçu des jets d’acide… Votre personnage principal et les ennemis sont d’ailleurs logés à la même enseigne, pas de jaloux ! Comme dans Metal Slug, la violence assumée et omniprésente est compensée par de nombreuses touches humoristiques : des combats dans des endroits improbables comme des prairies parcourues par des vaches ou des forêts bucoliques dans lesquels des cerfs et des lapins vivent paisiblement, des inscriptions décalées (un panneau danger avec l’inscription « NERD CAUTION » avant d’affronter un savant-fou par exemple), des stéréotypes d’autochtones (le français avec son béret et sa moustache, le couple d’allemand dans la tenue traditionnelle de l’Oktoberfest), des ennemis décalés (des soldats planqués dans des bonhommes de neige, des femmes en tenue militaire fortement inspirées de Cammy de Street Fighter et de Whip/Seirah de The King of Fighters).
Les environnements traversés rendent souvent hommage à ceux de Metal Slug (notamment ceux du 1er et du 2ème opus) : village français typique, plage enneigée recouverte de glace, laboratoire sous-terrain, le traditionnel stage du train en mouvement, la base militaire, le passage sur un bateau naviguant en pleine mer (très proche du dernier stage de Metal Slug), le château infesté de pseudo nazis abritant le boss final…
Là où Kraut Buster diffère probablement le plus de son illustre aîné, c’est sans aucun doute s’agissant de son gameplay, beaucoup plus proche dans l’esprit de celui d’un Contra puisque vous pourrez locker le tir en maintenant le bouton D appuyé ou switcher d’une arme à l’autre en effectuant une pression courte sur ce même bouton. Le feeling est globalement plus nerveux que celui d’un Slug, les personnages ayant une inertie moins marquée dans leurs déplacements. Cette impression est renforcée par quelques ajouts, notamment la glissade qu’il sera impératif de maîtriser puisqu’elle vous offre quelques frames d’invincibilité très utiles dans le feu de l’action (il est possible de la canceller). L’autofire apporte un réel confort de jeu. Comme dans les Slug, vous pourrez donner des coups de couteau au corps à corps et envoyer des grenades à l’aide du bouton C (vous pouvez influer sur la distance de jet grâce au stick et en maintenant plus ou moins longtemps le bouton appuyé). Contrairement à ces derniers, vous garderez en votre possession l’arme que vous aviez juste avant de mourir, sauf si vous perdez un continue. L’armement fait dans le classique et dans l’efficace : mitraillettes, missiles à tête chercheuse, grosses boules de pierre, etc. Deux d’entre elles sortent plus particulièrement du lot : l’une qui envoie des cocktails molotov à la figure des ennemis, les transformant en de véritables bûchers ambulants ; l’autre qui tire des salves de petites boules qui se divisent au contact de vos adversaires. Une arme très efficace mais à déconseiller tant elle nuit à la visibilité… Enfin, vous aurez l’occasion de prendre brièvement le contrôle d’un mécha, superbement dessiné mais indestructible et très limité en termes de mouvements (il peut seulement sauter et charger). Les nombreux véhicules des Metal Slug faisaient preuve de beaucoup plus d’inventivité…
Comme je l’évoquais un peu plus tôt, 2 modes vous sont proposés :
- Le C-Mode (« Run, crush and kill ») : le mode arcade par excellence, avec des armes infinies, qui vous imposera d’enchaîner l’intégralité des stages du jeu en une seule run.
- Le T-Mode (« pour « Tactical »), dans lequel vous pouvez choisir votre itinéraire, un peu à la manière de Shock Troopers. Plus court et globalement moins difficile, il diffère également par l’ajout de 4 masques (Jason / Tengu / Loup-garou / Poussin) qui vous offrent un point de vie supplémentaire et améliorent légèrement vos aptitudes. Si vous portez le masque de loup-garou, vous vous déplacerez plus rapidement. Avec celui de tengu, vous enverrez des grenades qui explosent à retardement. En arborant celui de Jason, vous disposerez d’une machette dont l’allonge fera des ravages au corps à corps (cf photo). Dans ce mode, vous pourrez également sauver des poussins, similaires aux prisonniers de guerre de Metal Slug, sauf qu’ils viennent ici vous prêter main forte quelques instants en faisant office de modules/options, comme dans un shoot them up. On regrettera que les différences en termes de gameplay entre les masques ne soient pas plus marquées. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce mode supplémentaire offre une replay value bienvenue !
Kraut Buster brille moins que les hits de Nazca et de Konami sur le plan du level design, globalement moins recherché. S’il est très appréciable de pouvoir grimper sur des éléments en hauteur pour récupérer des armes ou des trésors cachés, cela manque de verticalité, à l’exception peut-être d’un niveau sur un monte-charge en phase descendante. Kraut Buster pêche également au niveau de son rythme effréné, ne vous laissant aucun répit, avec des vagues d’ennemis qui se succèdent encore et encore, dont le placement parait souvent totalement aléatoire et n’ayant pas fait véritablement l’objet d’une réflexion très poussée. Le jeu semble avoir avant tout été pensé pour le speedrun, un peu dommage…
Le C-Mode, un poil trop long selon moi, vous occupera une bonne quarantaine de minutes. Le jeu s’étire en longueur sur la fin, avec quelques séquences qui auraient probablement gagné à être raccourcies. D’une manière générale, la difficulté est plutôt mal calibrée : trop facile en easy, le soft est trop punitif en normal, les crédits fondant comme neige au soleil. Je n’ai pas encore osé me frotter au mode hard…
Le challenge est beaucoup plus relevé que dans un Slug. Il vous faudra abuser de la glissade, et maîtriser absolument le lock de la direction des tirs, un élément indispensable pour triompher de la plupart des boss. Vers la fin du titre, les boulettes sont tellement nombreuses à l’écran que le jeu lorgne davantage du côté du danmaku plutôt que du simple run and gun !
Les amateurs de scoring seront aux anges car le système de combo kill est bien fichu et assez sophistiqué. Plusieurs facteurs rentrent en ligne de compte, tels que le multiplicateur de combo, la rapidité avec laquelle vous tuez des ennemis, la série d’ennemis détruits, le nombre de poussins sauvés, la difficulté (multiplicateur de 1 en easy, de 2 en normal et de 3 en hard), etc. Une réelle valeur ajoutée, semblable à ce que vous pourrez trouver dans un shoot them up !
L’OST très orientée rock/hard fait partie des points forts de Kraut Buster, elle s’avère d’excellente facture ! La qualité sonore doit pour beaucoup au fait que les musiques ont été enregistrées en studio, avec de vrais instruments (dont les guitares bien sûr). Le premier thème notamment m’a fait forte impression et avait déjà achevé de me convaincre de précommander le jeu à l’époque. Celui des boss donne la pêche également. En chipotant un peu, les mélodies de la seconde moitié du jeu sont peut-être moins inspirées, et les bruitages m’ont semblé en retrait. Par contre, la voix du speaker en allemand annonçant les armes ramassées et précédant les affrontements contre les boss contribue pour beaucoup à l’immersion… Elle donnerait presque envie d’envahir la Pologne !
Pour la petite histoire, j’ai précommandé Kraut Buster le 12 mars 2019 pour 450€ environ (second batch) et j’ai reçu mon exemplaire le 8 décembre 2023, soit près de 4 ans et demi après ma préco ! L’attente en valait-elle la peine ?
Kraut Buster n’a clairement pas à rougir par rapport aux productions actuelles sur la scène Neo Geo (loin de la même) et il n’aurait sans doute pas dépareillé s’il était sorti à l’époque. Une technique irréprochable, un gameplay nerveux, une OST délicieuse, c’est déjà beaucoup pour un studio de développement qui s’est quasiment amélioré jeu après jeu (il suffit de regarder le chemin parcouru depuis Fast Striker !). Certes, il n’arrive pas à la cheville des meilleurs Slug, je le situe au niveau du 4 (voire du 5), ce qui n’est déjà pas un mince exploit. Dommage que le level design et les vagues d’ennemis ne soient pas plus travaillés, les véhicules aussi peu nombreux, le système de masque pas suffisamment exploité et les persos principaux manquant singulièrement de charisme…
Plus embêtant, le caractère exclusif du jeu (uniquement disponible au format AES/MVS pour rappel, la Rom protégée étant a priori impossible à dumper) limite forcément son audience, alors que la NG:Dev.Team aurait pu faire le choix de le commercialiser également sur Switch par exemple. Ce second batch permettra peut-être de faire rebaisser les prix mais il faut bien compter 1 500€ pour espérer mettre la main sur un exemplaire sur eBay ou Facebook à l’heure actuelle… Je mentionnerai également la communication laborieuse de la société, les commandes qui n’ont pas été honorées en temps et en heure (certains ayant fini par jeter l’éponge et préférant se faire rembourser), même si tout est bien qui finit bien pour les plus patients après tout... Contrairement à ce que la cinématique de fin laisse penser, on peut légitimement douter de voir un 2nd opus pointer un jour le bout de son nez. Il y a même fort à parier qu’il s’agisse de la toute dernière production Neo Geo de la NG:Dev.Team, tant cette dernière a accumulé les déboires financiers, logistiques et techniques avec Kraut Buster…
SUPPOS : 5/6